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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le Dieu du carnage au « théâtre Antoine »

Evidemment quand Isabelle Huppert est sur scène, il ne faut pas la rater. Mais quand c’est en plus, Yasmina Reza qui a écrit le texte et met en scène, alors c’est un spectacle indispensable ! Et en effet, cette pièce m’a énormément plu. Nous avons d’ailleurs tous (nous étions 4) passé un excellent moment.

Nous sommes dans un appartement bobo classique avec table basse, canapé, bouquins en évidence et oeuvres d’art douteuses… Un élément de décor assez troublant tout de même : le fond de la scène est un mur fissuré qui augure bien des événements à venir. Les hôtes, Véronique (Isabelle Huppert) et Michel (André Marcon), reçoivent le couple Annette (Valérie Bonneton) et Alain (Eric Elmosnino). Le fils du premier couple, Bruno, a en effet été sévèrement agressé par le fils du second, Ferdinand, à l’aide d’un bâton. D’abord c’est en toute ouverture, cordialité et maturité que ces deux couples d’adultes se parlent, mais rapidement, devant les avis discordants des uns et des autres, on sent quelques tensions. Les tensions évoluent exponentiellement vers des joutes verbales cocasses et grinçantes qui remettent en question bien des comportements, loin de ceux de leurs gamins, et soulèvent bien des dysfonctionnements.

Ah là là, on ressent Reza dans chaque trait, chaque tirade, chaque bon mot qui fait rire ou sourire, et qui caricature le bobo parisien avec un brio épatant. Elle nous sert encore un texte d’une grande qualité et virtuosité verbale, avec des répliques qui fusent, et des situations qui s’exacerbent jusqu’à la cassure complète. Les couples se disloquent, se rabibochent, se dénoncent, se lient et se nuisent tour à tour. Et cette bagarre entre les gamins qui n’est jamais vraiment résolue ou élucidée, devient au final un prétexte à cette stridente et stressante rencontre.

Les comédiens et comédiennes sont fabuleux, mais vraiment c’est Isabelle Huppert et Eric Elmosnino qui tirent la couverture. Car non seulement leurs personnages sont irrésistibles et les plus drôles, mais les acteurs ont l’air de prendre un plaisir fou à incarner ces parents psychopathes tous les deux à leur manière. Lui, l’avocat d’affaire sans discernement, qui est pendu au téléphone toutes les 5 minutes, et qui regarde de haut l’autre couple. Et elle qui se prend pour une auteure de talent et une femme battante, en même temps qu’elle simule l’empathie pour les parents du petit criminel, et qu’elle cherche plutôt à les culpabiliser pour mieux les dominer. Oh oh quelle rencontre !! Ajoutez à cela l’autre femme qui fait du reflux gastrique, jusqu’à même vomir en direct sur scène !!!!

Un des éléments les plus les plus saillants et intéressants de la pièce a été pour moi sans conteste la manière dont l’auteure a fait évolué ses personnages, et les alliances entre les uns et les autres. Il y a une dynamique incroyable dans l’image qu’on peut avoir des personnages. De minute en minute, les méchants deviennent gentils, ou pathétiques, puis revirent machiavéliques et soudain fragiles… Les échanges verbaux se font comme les vases communiquants de toutes les passions humaines. Les masques tombent, et les personnalités se révèlent bien plus complexes et moins policées qu’elle n’étaient apparues lors des premiers échanges de courtoisie. Cette évolution se fait tout en douceur et en subtilité, portée par des dialogues bien ciselés, et avec cette patte « Reza » qui sonne si juste et qui fait mouche sans coup férir.

Isabelle Huppert n’était pas forcément dans un de ses rôles classiques de froide caractérielle, même si son personnage revêtait quelques uns de ces attributs, mais a fait montre de beaucoup d’humour, d’hystérie et de « composition » (d’ailleurs elle s’est toute raidie et refroidie pour les saluts de la fin). La mise en scène est plutôt classique, mais efficace et elle remplit bien sa mission. Même si j’ai encensé le texte, ce n’est pas non plus la dimension de « Art » ou des « Trois versions de la vie », mais je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’auteurs avec son talent pour ce type de pièce.

L’avis des copines : Colin Ducasse.

Le Dieu du carnage au « théâtre Antoine »

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  • Je te conseille “Art” de cette chère Yasmina Reza, là aussi tu vas bien t’amuser! aaaaah, ces fameux liserés blancs sur fond blanc… “mais c’est de la merde?! non c’est kloug” (désolé, j’ai la fâcheuse habitude de confondre les pièces :boulet: )

  • Représentation du 02/04:
    Décevant. Je suis fan de Reza mais je conseille de faire des économies et de lire le texte !
    Huppert n’est pas bonne dans le registre de l’énervement. Sa voix est trop limitée et lorsqu’elle la pousse, c’est sans nuance, limite pathétique. Certains passages sont effectivement surjoués, voire trop burlesques (la scène du canapé par exemple).

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