Je l’avais remarquée lorsqu’elle s’est installée dans la rue, à deux numéros de mon immeuble, il y a bien deux ans. La salle d’attente de son cabinet de médecine générale donne sur ma rue, et une vitre permet d’en apprécier partiellement l’intérieur. Un décor assez surprenant pour un médecin, entre plantes, objets kitsch et même un chat qui traîne entre les rideaux crochetés, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un thérapeute New Age. Mais la plaque disait bien que c’était une femme médecin généraliste, avec tous les jolis diplômes parisiens qui vont bien, et qui reçoit de telle heure à telle heure.
Etant dans le quartier depuis plus longtemps, j’avais cherché un médecin quand j’ai eu le premier pépin de santé (me connaissant, c’était sans doute un rhume à la con ou une sinusite allergique des familles). J’ai choisi le plus proche, et je me suis dégoté un Michel Cardoze tout à fait satisfaisant. Il ne lui manque que la fleur d’artichaut à la boutonnière à ce cher docteur, avec ses grandes bacchantes blanches. Nous avons d’excellentes relations, et il m’aime bien car je lui ai permis de me charcuter un jour, ce qui lui avait fait énormément plaisir. J’avais un kyste sur le côté du crâne, et il voulait me le retirer lui-même dans son cabinet. Anesthésie locale, un bon coup de scalpel, du fil à coudre, et hop, plus rien n’y paraissait, et j’avais fait un heureux !!
Je traîne une crève minable depuis quelques jours (je crache vert/marron oui et ALORS ?!!!), et comme j’ai envie d’en finir j’ai voulu aller voir ce cher Michel. Mais son répondeur m’a rapidement appris qu’il était en congés. Du coup, j’ai eu le réflexe d’aller voir cette docteure (c’est comme cela qu’il faut l’écrire non ?) dont la salle d’attente m’a toujours intrigué, alors pourquoi pas ses pratiques ? Arf.
J’appelle… Une voix de fumeuse de gitanes décroche : « Allo ? ». Humm habituellement, les médecins confirment tout de suite que vous êtes dans un cabinet, mais je précise immédiatement « Vous êtes le Docteur Queen ? ». La fumeuse de gitanes me confirme que c’est bien elle, et m’indique que je peux aller attendre mon tour dès que je veux. Du coup, j’y suis allé.
Et pour attendre, j’ai attendu. C’est le genre de médecin qui prend son temps et vous fait bien poireauter en salle, mais ensuite c’est à vous qu’elle se consacre, et alors le temps passé dans son cabinet n’est plus si long. Cette salle d’attente était bien ce que je me représentais de l’extérieur… Kitsch à souhait avec des chaises en bois, des plantes, des meubles en bois peints, un vieux transistor des années 50, une antique boite à musique… Totalement barré. Et une petite chatte qui a fait ma conquête en quelques secondes. Hop, elle s’est allongée sur mes genoux, et a commencé à labouré ma chemise en ronronnant tout ce qu’elle pouvait. Une petite table en bambou offre pas mal de revues : Marianne, Les Inrocks, et quelques tabloïds. C’est une personne de gauche. Arf.
Ce fut enfin mon tour, et j’ai pu découvrir ma docteure, le Docteur Queen. Son cabinet est à l’image de sa salle d’attente. On y retrouve évidemment le sérieux du praticien classique avec les instruments, la table d’auscultation, le bureau etc. Mais des tableaux de chats ou de plantes ornent les murs, un gros cendrier plein de clopes écrasées est positionné sur son bureau, et le tout fait face à une gigantesque bibliothèque avec des kyrielles de bouquins dans tous les sens. Malgré tout ce n’est pas bordélique, c’est juste « elle », et je l’aime déjà.
Je lui explique que mon médecin est en congés, et elle me demande quelques informations sur mon parcours, ma santé en général… Bref, elle fait son taf, plutôt cool et détendue, mais très attentive. Elle me demande si je fume, je réponds par la négative. Elle m’en félicite. Je rajoute comme je le fais souvent, alors que c’était parfaitement inutile et un peu péteux : « Et je ne bois pas d’alcool non plus. » Elle sourit, fait mine de me regarder de bas en haut, et rétorque : « Ah oui mais vous ne faites pas de sport non plus, j’ai l’impression ? ». Et elle se met à rigoler en s’excusant de son humour un peu cassant. Moi je suis juste mort de rire, et j’explique qu’en effet manifestement j’ai quelques lacunes en ce domaine. Elle est rassurée me dit-elle : « Vous comprenez si en plus vous aviez été sportif, là c’était la perfection incarnée, je ne pouvais plus rien pour vous !! ». Et vlan, une deuxième pour la route ! Arfff, je lui ai dit que j’appréciais beaucoup son ironie, et je crois que ma franchise lui a plu sur le coup.
Elle me demande de me déshabiller, et de me mettre sur la table pour qu’elle m’ausculte. Je m’exécute, et là, elle me dit tout de go : « Vous êtes homosexuel ? », mais un ton si peu interrogatif que ça avait plus l’air d’une implacable assertion. Je rigole d’autant plus, et lui demande comment elle a su, est-ce que j’en ai tellement l’air, est-ce le piercing au téton ou les tatouages qui ont fait tilt ? Je voulais qu’elle me dise un truc quoi, vu la manière dont tout cela avait commencé. Et là très sérieusement, elle m’explique : « Alors là pas du tout. C’est juste que je le sais. Il faut que je vous dise que lorsque j’avais 16 ans, mon meilleur ami était homosexuel. Et donc cela fait 40 ans que j’en fréquente. Donc je le sais, c’est tout. » Quel talent ! Huhu. La docteure qui habite dans ma rue est une FAP !!!!
Elle me termine sa prescription, et nous échangeons sur plusieurs sujets. Elle pousse un cri d’orfraie lorsqu’elle entend le nom de mon employeur. Nous parlons chats, d’ailleurs la chatte est venue s’asseoir sur mes jambes lorsque le médecin m’auscultait sur la table, et notre quartier, mon chérichou, son style professionnel (« Chez moi on attend des plombes, mais ensuite je prends mon temps !! », « Et puis je fume dans mon bureau. », « Et puis y’a mon chat. », « Un jour, il faudra bien que je range ces satanés bouquins ! »)
Je l’adore déjà, je n’avais pas du tout envie de quitter son cabinet. Je vais tout de suite faire le changement de médecin traitant. Je me suis trouvé une FAP médecin, je la garde !!!!!!
*FAP = Fille à pédés, c’est clair pour tout le monde ?
hahaha terrible cette femme, je kiffe son sens de l’humour
A part le chat et la cigarette, mon médecin traitant est comme la tienne : une femme magnifique et un peu FAP…
Bon vent avec elle.
Mais je n’irai pas jusqu’à te souhaiter de la rencontrer souvent.
😉
j’irais bien la voir (malgré mon asthme) – j’ai pas de médecin traitant – mais bon, j’imagine que queen n’est pas son nom de famille.
:rigole:
C’est Madame Madrigal !
ca va faire des siècles que je ne suis pas allé chez le médecin!
Et elle fume quoi exactement ta FAP médecin ? :petard:
Maiiiiiiis, je suis pas une spammeuse :'(
Je peux plus commenter chez Matoo :ben:
Ah si en fait. Donc je disais, il faudra que tu nous explique, un jour, Matoo, comme tu fais pour qu’il t’arrive autant de trucs barges de ce style. :rigole:
Haaaaa, un billet comme je les adore ! :pompom:
J’veux la même !
Intéressant.
Je t’invite à regarder sur mon blog un courrier de lecteur de libé qui date de 1985, et qui porte sur ce sujet, pour bien mesurer l’évolution des mentalités depuis.
A+ cher Matoo
Excellent ! ça donne vraiment envie de la connaitre. :pompom: :pompom:
Ok, fini la rigolade, je t’invite à la gym suédoise, le sport de ceux qui n’aiment pas le sport, si si, et pas loin de chez toi en plus. Si c’est moi qui fait le cours c’est cadeau (envoie un mail si ça t’intéresse).
Mon médecin vient de prendre sa retraite :help: , c’était un vieux pédé qui détestait les femmes. Très bon médecin par ailleurs, une rareté en albionie…
Je veux le même médecin que toi!!!!!
LOL !
Ca aurait été marrant qu’elle le sache parce qu’elle lit ton blog 🙂
Si j’avais un médecin j’aimerai aussi que ce soit un médecin comme cette femme. “Vous faites pas de sport non plus”, j’adore !
Et il faut des aptitudes particulières pour être FAP ? Bises Matoo, t’es trop …
J’avais un médecin du travail qui lui ressemblait un peu… J’adore ce genre de personnage totalement décalé !
Tu lui a demandé si elle était pas un homme elle des fois?… 😆
Faudra me donner l’adresse en tout cas!
mais yaisse, j’aurais bien aimé avoir un medecin comme elle
son univers, j’adore, je me dis des fois que si j’avais continué à fumer il aurait pu ressembler à ça, le mien
J’adore ! Je suis aussi médecin, mais un médecin défroqué (je bosse dans l’industrie pharmaceutique). Du coup, ton post m’a donné envie de revenir à mon métier et d’ouvrir mon cabinet à Paris.
Bises,
Bruno.
La mienne est ahurissante aussi, on l’a surnommée le “Docteur Bombay” dixit “Ma sorcière bien-aimée” pour rendre hommage à son sens du diagnostic qui l’a pousse à nous annoncer des trucs pas possibles avec des noms alambiqués dont on ne savait même pas que ça existait!!
Mais ça fini toujours bien !
C’est mon médecin aussi ! Elle est terrible, c’est une femme d’une gentillesse, d’une patience et d’une ouverture extraordinaire ! Je l’adore. Aaaah, vivement que je rentre à Paris, j’ai presque hâte d’être malade à l’idée de la revoir 😉
Très sympa cette petite tranche de vie, et ce portrait. C’est clair, ça pourrait faire penser à Mme Madrigal, si tant est que les plantes de la salle d’attente étaient à fumer !
Oh oui change, elle est poilante cette FAP ! Et puis tu devais être presque guéri en sortant non ? Grâce à son humour !
A propos de FAP ou quelque chose par là, je serais curieuse d’avoir ton avis sur le film “Elève libre” de Joachim Lafosse, quand il sortira. C’est un bon film, d’un point de vue technique et narratif, les acteurs sont tous parfaits et Jonas Bloquet devrait en faire rêver plus d’un(e). Mais je ne sais pas quoi trop en penser par ailleurs (et son réalisateur revendique la perplexité induite chez le spectateur).
Je veux la même !
Quoique, ça donne envie d’être malade …
Wah je suis fan ! Quand je me chercherai un nouveau médecin j’y penserai !