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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

() : Tragédie pour deux espaces

Parfois, j’aime bien aller voir un spectacle vivant, type théâtre, pour aussi aller voir autre chose. Eh bien là, j’ai été servi, et comme je ne m’y attendais absolument pas, ce fut encore plus une surprise. Cette performance théâtrale (c’est le qualificatif qui me paraît le mieux adapté) s’est déroulé au théâtre Naxos-Bobine dans le 11e arrondissement, pas très loin de chez moi en fait, et une quinzaine de personnes étaient invitées à partager ce moment. L’auteur, comédien et metteur en scène de ce spectacle est Franck Mas, et je ne connaissais pas sa démarche. Je n’avais lu que quelques mots sur cette pièce, et le fait qu’il s’agissait d’un diptyque dont c’était la première partie.

Voilà ce qui s’est passé. Nous sommes descendus au sous-sol où se trouve la salle de représentation, elle était plongée dans le noir. Nous avons donc été accompagnés à nos sièges dans la pénombre, seulement éclairés d’une lampe de poche. Après quelques minutes, plongés dans un noir absolu (le genre de noir où l’on ne voit pas ses mains), le spectacle pouvait commencer.

C’est alors qu’une voix a point dans la nuit, et on ne sait bien d’où, Franck Mas a commencé à nous conter “son” histoire. Apparemment, un homme bien seul et qui souffre de cette condition, donc les jours se suivent et se ressemblent, fait de passages au cybercafé, et de l’absence cruelle de l’autre. Les récits de ces mornes journées sont parfois répétitifs, et on comprend que l’homme attend des nouvelles d’une personne, et personne ne répond.

Bref, vous êtes dans le noir complet, et un type vous raconte une vie la plus vide possible d’un quidam. Le truc chiant par excellence donc, mais qui prend tout son intérêt dans la manière dont le comédien rend cette vacuité. Je sais que je peux apparaître pédant en disant cela, mais il y avait un véritable intérêt dans la démarche même de l’auteur. Car il réussit à signifier l’ennui et le désespoir de son narrateur, de son protagoniste, en nous plongeant dans le noir et en parlant sans cesse, tout en ne racontant rien d’extraordinaire. Le comédien est là, sans être là, il est dans le noir, et image le vide, en ne racontant rien, tout en meublant. Bah c’est dingue, mais j’ai trouvé cela drôlement intéressant. Pas révolutionnaire dans la forme, maisinterpelant.

Etre dans le noir comme cela fait oublier au bout d’un moment son propre corps. En outre, on se focalise beaucoup plus sur ses autres sens, et surtout l’ouïe. Du coup on essaie de faire le moins de bruit possible, et un simple raclement de gorge semble emplir tout l’espace. La parole du comédien prend alors beaucoup plus d’ampleur, et paraît ne plus avoir d’entrave avec le spectateur. C’est une sensation étrange, comme si ses mots s’imprimaient directement en nous. De plus, étant vu de personne, on peut faire ce qu’on veut. “Regarder” à gauche à droite, faire des bisous à son voisins ou le tripoter impunément (hu hu), simplement ne pas écouter le comédien, ce que j’ai fait à plusieurs reprises. En effet, ce discours lénifiant m’a parfois un peu perdu, et être plongé dans l’obscurité m’a donné une sorte d’impunité assez curieuse à expérimenter (j’ai même du me mettre les doigts dans le nez, ah ah). Mais indéniablement, on serefocalise sur la parole qui résonne dans ce lieu confiné, et qui peut aussi donner une certaine claustrophobie (renforcée par l’obscurité).

Mais le plus surprenant, le plus flippant, c’est la fin du spectacle. Car la lumière revient peu à peu, mais très très très lentement, et on voit alors la scène… Le “personnage”… On a peur, on se demande, on scrute les ombres et les imperceptibles mouvements, et ces yeux qui brillent dans le noir, cette vie qui palpite en cette “chose”… humaine, animale ? Oui on voit mieux… Une sorte de révélation.

Bref, ce n’est pas le truc le plus extraordinaire qu’il m’a été donné de “voir”, mais j’ai vraiment apprécié l’expérience et la démarche de Franck Mas. En fait, j’adorerais voir la seconde partie de ce diptyque qui est complètement différente.

() : Tragédie pour deux espaces, théâtre Naxos-Bobine

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  • Salut,
    je prens le temps pour te remercier de ta venue à cet étrange spectacle, Franck mas a apprécier ton article, dommage que tu ne l’ai pas rencontré à la fin. J’espère t’inviter à d’autres spectacle de ce genre car il ya beucoup d’endroit à Paris ou en banlieue avec des spectacles hors normes… ceci dit, merci de continuer ainsi ton blog, tes articles me sont devenus indispensables… Tchao

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