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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

La Porte des Enfers (Laurent Gaudé)

Petite déception pour ce livre, alors que j’en attendais beaucoup de bien… Ce n’est pas inintéressant ou franchement mauvais, loin de là, mais j’en ressors avec un petit goût d’inachevé et de « So what? ». Pourtant j’ai bien été accroché par l’intrigue de base, et surtout par cette grande dissertation sur la mort et tous ses effets chez les (sur)vivants, mais pas assez pour entrer complètement dans le roman.

Le bouquin alterne entre deux époques à Naples, 1980 et 2002. En 1980, c’est le petit garçon Pippo, qui accompagné de son père Matteo, se prend en balle perdue et meurt. Sa mère, Guiliana, ne s’en remettra jamais, et demandera « réparation » à son mari. En 2002, on retrouve Pippo… vivant et on devine donc que son père a réussi à le faire sortir des Enfers. Pippo se venge de son meurtrier, et on le voit avec la femme (un travesti en fait) qui l’a élevé. Du coup, chapitre après chapitre, soit en 1980, soit en 2002, on apprend un peu plus comment Matteo a rencontré ceux qui vont élever son fils revenu des Enfers, comment il y est allé, et Guiliana dans une autre sorte de monde souterrain. En parallèle, Pippo doit reprendre le cours de sa vie, et tenter de finalement faire son « deuil », lui qui a été extrait du monde des morts.

Il s’agit d’une vision très mythologique de la mort, et la présence de cette entrée à Naples donne encore plus à cette porte et cet univers infernal une portée mythique. Le livre n’est que douleur, souffrance et irrémédiable incompréhension et refus en face de la mort, cette injuste mort. Et le fait de débuter par l’assassinat d’un enfant, produit un réel coup de tonnerre qui met une première claque bien terrible au lecteur. Ensuite, on partage les sentiments effroyables des parents, leur propre impossibilité de se reconstruire en tant que couple, et l’infiltration progressive du fantastique qui fait rapidement deviner le pourquoi du titre du bouquin.

J’ai beaucoup aimé les personnages secondaires, tels la prostituée-travestie, le curé révolté et le cafetier qui enseignera à Pippo son art de faire le café. Mais j’ai regretté qu’ils ne soient pas plus employés dans le bouquin, ils ne font qu’une apparition alors que Laurent Gaudé développe en eux un potentiel bien plus intéressant. De même, on retrouve l’atmosphère italienne qu’il arrive à saisir avec toujours autant de talent et d’habileté. Et on peut encore célébrer la qualité globale de son écriture, et de son merveilleux style.

Alors, qu’est-ce qui cloche ? Eh bien, comme je le disais les personnages secondaires ne sont qu’effleurés, tandis que l’auteur s’appesantit lourdement sur la douleur des parents, et le bouquin file beaucoup trop vite sous les doigts du lecteur. Je sens que le sujet principal du roman n’est pas tant sa fibre romanesque que ce tribut aux morts, et ces pérégrinations en territoires mortuaires. Mais du coup, ça m’a un peu fait chier. J’ai trouvé que le bouquin aurait pu un peu mieux s’équilibrer, tout en respectant son postulat de base, mais en épiçant, et en épaississant, le roman de péripéties qui m’ont cruellement manquées.

Donc c’est remarquablement écrit, et on retrouve tous les bons ingrédients des bouquins précédents, mais ça ne m’a pas assez accroché ou intéressé au final. Je pense que les lecteurs méritaient plus de « matière narrative » de la part d’un tel auteur, et surtout après en avoir démontré le potentiel. Je suis frustré !!

La Porte des Enfers (Laurent Gaudé)

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  • Ah oui, un peu décu ? Moi je suis ressorti “lessivé” de ce bouquin, par tout ce qu’il a fait ressortir sur l’idée de la mort mise a notre portée. Tu dis qu’il présente la mort de façon “mythologique” mais comment en parler autrement ?

    Je comprends ton point sur la douleur des parents, douleur centrale dans tout le livre, mais je la trouve magnifiquement narrée. Elle est a la fois tragiquement excessive et tout en retenue. La dernière scène, a l’hospice, lorsque la mère et le fils se retrouvent, est -je trouve- particulièrement émouvante ! Et comment proposer des “péripéties” aux lecteurs en face de la douleur des parents ? Ce serait presque obscène de les en divertir ! Au contraire, c’est la -je crois- qu’est la grande force narrative du bouquin. Dernier point, j’ai trouvé que c’est aussi une belle histoire sur la paternité, et en roman ce n’est pas si fréquent !

    Bref, j’aime décidément beaucoup le style de cet auteur ! Au passage, je recommande aussi la lecture du roman “Eldorado”, pour lequel la plume de Laurent Gaude est toujours aussi remarquable !

  • J’étais un peu décontenancé par le style “Diablo” qui ressortait de la partie aux Enfers, mais c’est pour moi une histoire assez belle pour m’en souvenir longtemps.

  • J’aime bien les romans de Gaudé mais je ne les adore pas. J’adhère au style, mais celui-ci suffit-il? Que nenni. Il faut aussi une dimension romanesque, pour que la lecture soit vraiment marquante. Or les romans de Gaudé sont rarement inoubliables. J’ai aimé La porte des enfers mais sans plus. En tout cas j’adore la couv.

  • la porte des enfers est le premier roman que j’ai lu de laurent gaude et ce ne sera pas le dernier. Tout est a mon gout dans ce livre, j’ai adore l’ambiance, la determination du pere, tout est boulversant et c’est ca qui me plait.
    Un roman dont on se souvient longtemps.

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