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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le suicidé du Boulevard Voltaire

Vendredi soir dernier, je suis allé récupérer une place de concert en prenant un verre avec un pote dans le début de la rue Oberkampf (côté Cirque d’Hiver). Du coup, je suis rentré en remontant toute la rue Oberkampf, et au croisement avec le boulevard Voltaire, à deux pas du Bataclan, il y a cet immeuble. Et dans cet immeuble, il y avait au dernier étage cette fenêtre œil-de-bœuf bien typique de la chambre de bonne parisienne, on la voyait bien ce soir là puisqu’elle était allumée.

Un immeuble du boulevard Voltaire

A chaque fois que je passe dans ce coin, je jette un coup d’œil là haut, et j’ai une pensée pour cette drôle d’histoire qui remonte à l’automne-hiver 1998. Tout est très flou, mais je me souviens qu’il faisait froid et que le soir où j’étais allé dans cette chambre de bonne, il y avait de la buée sur la vitre de l’œil-de-bœuf… Et 1998 a été marquante pour moi, comme je l’ai expliqué à maintes reprises, entre mon arrivée sur Paris et mes “trois amants“. J’avais 22 ans, et je ressemblais à ça (huhu). Lorsque j’étais avec ce troisième larron, “Sean”, j’avais rencontré quelques personnes de son entourage, et parmi ceux-ci une fille complètement barrée et fille à pédé ultime. On avait bien sympathisé, et j’avais eu l’occasion de pas mal sortir avec eux, notamment au Scorp’, et j’avais fini par faire plus ample connaissance avec elle. Mais aujourd’hui, je ne me souviens absolument pas de son prénom… Dingue…

Je me souviens vaguement d’une fille paumée et se réfugiant dans les sorties et les amitiés passionnelles avec des pédés encore plus déglingués qu’elle. Sachant qu’elle m’avait narré un soir complètement perchée (c’était les grandes années de l’ecsta) qu’elle avait été violée par son beau-père et que sa mère, psychanalyste, ne l’avait jamais cru et incité à quitter le domicile familial, vous imaginez la joyeuse bande dont elle s’entourait. Elle habitait cette chambre de bonne au dernier étage de ce bel immeuble du boulevard Voltaire, moins de dix mètres carrés, et elle cohabitait avec une kyrielle de rats qu’elle élevait, ses fringues qui jonchaient le sol et un bordel sans nom qui couvrait murs et moindres interstices. En même temps, quand elle sortait elle affichait un look extraordinaire et smackait à l’envi tous les pédés sur son passage.

Elle nous avait présenté un type, croisé au Scorp’ aussi, devenu l’espace de quelques minutes de dandinage sur Sweet Drop son BFF (Best Friend Forever). Idem pour lui, je ne me souviens plus de son prénom, un peu comme les centaines de personnes que j’ai plus que superficiellement fréquenté à cette époque et dont le souvenir est aujourd’hui bien brumeux. La vingtaine à Paris pour un pédé en pleine ère initiatique… Ce mec avait mon âge et venait d’une ville dans l’est de la France, était-ce Belfort ou Strasbourg, je ne suis plus très sûr. Il était très très cool et sympa, mais clairement sur le fil du rasoir, on comprenait très rapidement qu’il était en souffrance et qu’il noyait tout cela dans la teuf et les petits cachets souriants très en vogue à l’époque.

C’est quelques soirs plus tard, invité chez elle pour “dîner” (oh là là ce “dîner”… j’en ai des hauts le coeur à y penser) que j’ai un peu plus discuté avec lui. Lui qui habitait depuis leur rencontre chez sa BFF, et il m’apprit alors très concrètement qu’il n’habitait pas vraiment sur Paris. L’alcool aidant, il me raconta qu’il était en fait en permission de son service militaire qu’il effectuait je ne sais où. Le gars avait décidé de décompresser pendant un week-end, et finalement s’était dit qu’il ne pouvait pas retourner là-bas. Il s’était retrouvé pris en étau entre une famille où il était clairement honni du fait de son inversion (terme utilisé apparemment par sa maman) et une caserne où les brimades n’avaient fait que l’enfoncer plus dans la dépression. Il avait l’impression de revivre depuis ces quelques jours sur Paris, et ne se sentait plus de rentrer… où que ce soit.

Ce n’est que quelques semaines plus tard que je l’ai revu dans le Marais (Stéphane ? Rhaaaa, je sais plus.), et que je l’ai trouvé un peu plus survolté que les fois d’avant. Il m’expliqua brièvement que les gendarmes étaient à ses trousses et qu’il allait devoir affronter tout ça, mais que l’idée de retourner à l’armée ou chez ses parents lui paraissait inconcevable. Ensuite, ils sont allés en boite.

Le lendemain c’est mon copain de l’époque qui m’apprend que le matin même, alors que les deux revenaient de boite pour rentrer se coucher, dans cette chambre de bonne du boulevard Voltaire à l’œil-de-bœuf, que le mec a pété un plomb. Descente d’ecsta, d’alcool ou craquage, ou tout ça, en tout cas il s’est jeté par la petite fenêtre ronde et a chuté à la verticale sur le boulevard Voltaire. Je l’ai croisé elle quelques jours plus tard par hasard dans le quartier, elle avait trouvé un autre appartement et elle allait déménagé. Elle m’a expliqué un peu plus ce sordide épisode en me disant qu’elle avait vu qu’il était bizarre, et qu’il avait un regard fou qu’elle ne lui avait jamais connu (en quelques semaines de cohabitation). Elle avait réussi à le retenir lorsqu’il s’était précipité vers la fenêtre ouverte, et elle lui criait de ne pas faire ça, mais il l’a rejeté très violemment, lui a lancé un dernier regard, et s’est jeté.

J’y pense quand je passe par là, et je compte les années.

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