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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Tomboy

Tomboy

Céline Sciamma m’avait bien agréablement surpris, il y a de cela 3 ans, avec la Naissance des Pieuvres (filmé dans mon Cergy natal, cette jeune femme étant née comme moi à Pontoise). Le film posait déjà un peu la question de l’identité sexuelle à travers l’adolescence balbutiante de jeunes nageuses. Mais là, on a un bel essai transformé avec Tomboy qui m’a aussi beaucoup surpris, d’abord parce que je ne m’attendais pas à un film dont les enfants étaient centraux dans le sujet et la narration.

Quand on lit un peu le sujet, il faut avouer que l’on peut difficilement voir plus casse-gueule que de raconter l’histoire de cette gamine de 10 ans, qui en arrivant dans une nouvelle ville avant la rentrée avec ses parents et sa petite soeur, va se faire passer pour un garçon pendant quelques temps. Ajoutons à cela que les parents et adultes sont tout à fait accessoires, et que tout se passe avant tout dans des scènes uniquement avec des enfants, et des dialogues quasiment entre eux. Waouuuh, on se dit que ça peut déraper d’une minute à l’autre, être très contestable sur la vision que cela donne, sur un message psychologisant peut-être bancal, des gamins qui jouent mal ou paraissent des chiens savants s’ils jouent “trop” bien.

Les choix de Céline Sciamma, autant formels que dans sa direction de comédiens ou son scénario, rendent le tout particulièrement simple et digeste. Elle a décidé d’être dans l’anecdote et le factuel plutôt que dans l’intello ou dans une quelconque idéologie. Ainsi au lieu d’en faire des tonnes ou de marcher sur des oeufs, on assiste à quelques moments entre enfants d’une petite dizaine d’années (moins que cela même avec la fantastique Malonn Lévana qui joue la petite soeur fantasque), et cette parenthèse, avant la rentrée pendant les grandes vacances avec une maman enceinte qui se repose, est idéale pour Laure qui répond alors qu’on lui demande son prénom en bas de son immeuble : Mickaël. Comme elle a les cheveux courts et une silhouette garçonne, personne ne se pose de question, et Mickaël est naturellement adopté comme un petit mec parmi ses congénères du quartier. Une des gamine le trouve d’ailleurs assez mignon… Evidemment, très rapidement il devient difficile de le cacher, et il faudra bien révéler le pot-aux-roses d’une manière ou d’une autre.

Le film est sympathique à bien des égards, mais surtout notable pour la qualité des enfants comédiens (avec Laure/Mickaël, jouée par Zoé Héran, en figure de proue) et la manière dont Céline Sciamma les a filmé. On est vraiment à leur hauteur, plongé dans leurs codes et leur univers. Et en tant qu’adulte, on est d’abord un peu gêné par cette petite fille qui se fait passer pour un garçon, et puis plus du tout en fait. L’anecdote reste un épisode, on ne sait pas, et on ne cherche pas à savoir, ce qui va se passer plus tard, et même les conséquences actuelles de ses actes. Et cette approche si directe, simple et évidente, si peu psychanalytique ou “pathogène”, est particulièrement salutaire et reposante.

Après ce n’est pas une oeuvre parfaite, et elle souffre encore de quelques maladresses, mais on sent que la maturité de la réalisatrice est en train de croître, et elle signe là un vrai premier film avec une patte et une signature qui augurent beaucoup de bien pour la suite. On trouve aussi dans ce film des moments drôles, cocasses, tendres aussi que ce soit dans les rapports filiaux ou entre petits jeunes (enfin parfois aussi avec la violence de ce même âge…). On perçoit aussi avec limpidité la difficulté de vivre une différence, quelle qu’elle soit. Mais ça, ce n’est pas une découverte…

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  • J’aime bien, ça fait deux films dont tu penses pareil que moi en le disant mieux (et comme je n’avais pas eu le temps de les chroniquer …).

    Peut-être qu’il faut préciser que la réponse d’un prénom masculin est due pour partie à la question de la gamine du coin qui en voyant un nouvel enfant dans le quartier et sans doute trompée par la maigreur de Laure, ses vêtements unisexe et ses cheveux courts s’adresse à elle d’emblée comme à un garçon (je crois qu’elle lui demande “Tu es le nouveau ?”) et en fait dans la réponse d’un prénom de mec vient pour partie un manque de courage de démentir. Quand j’étais gosse ça m’arrivait sans arrêt qu’on me prenne pour un gars en plus que j’étais bonne au foot et que mon prénom, féminin en Italie, est masculin en France dès lors qu’on lui adjoint un “s” qui ne se prononce pas. Et je me souviens que c’était fatiguant de recadrer à chaque fois. Mais ça ne m’était jamais arrivé de laisser passer parce que je me sentais vraiment une fille et que donc ça m’embêtait qu’on me prenne pour autre chose. Et que par dessus le marché, les cloisonements m’énervaient déjà : c’est pas parce que j’étais une fille que j’allais aimer le rose, les chichis, faire ma nunuche et ma compliquée et renoncer aux jeux que j’aimais. Non mais.

    D’ailleurs un truc qui est très juste dans le film c’est quand Laure/Mickaël explique à sa petite sœur comment on fait pour se battre alors qu’on n’y tient pas plus que ça – je crois que pour le coup le goût de la bagarre est plus du côté des gars, mais à partager leurs jeux forcément je me retrouvais dans des castagnes collectives -. Et c’est exactement ça. Très utile, d’ailleurs, plus tard, pour ne pas faire femme battue.

    Pour le personnage du film les choses sont plus compliquées : elle n’est pas à l’aise avec l’identité sexuelle qu’on veut lui attribuer. Mais elle ne semble pas contester les rôles / jeux / la place qu’on attribue aux femmes.
    Dans mon cas c’était plus facile, même si pas tous les jours, je me sentais parfaitement une fille mais c’était les attributs que la société fixait pour la féminité et les dictats de type “C’est pour les filles” “C’est pour les garçons” que déjà je contestais.

    Les deux jeunes actrices celle qui interprête Mickaël Laure et la petite sœurs sont impressionnantes.

  • Dans la série des films qui évoquent les thèmes de la différence et du genre sexuel, je trouve que “Ma vie en rose” d’Alain Berliner (1997) est plus touchant, plus émouvant, plus esthétique, plus réussi. Mais comme tu dis, c’est un film sympathique, et prometteur pour les prochains. En tout cas, pour celles et ceux qui ont aimé Tomboy, vous adorerez “Ma vie en rose”

  • Gilda> Ah je n’avais pas fait attention à ce que tu mentionnes, le fait qu’on lui demande d’abord sur un mode masculin, et que cela pourrait aussi expliquer sa réponse (genre marre d’expliquer la même chose…). Ensuite, j’ai un peu vu cela comme un jeu pour la gamine, genre pour voir si ça peut vraiment marcher et combien de temps. Rapidement, elle est prise à son propre jeu, et ne sait plus comment en sortir (on la comprend !).

    Toli> Rhaaa j’ai pas vu ce film, je le regrette !!

  • @Matoo : tu ne parles jamais du sujet vraiment, qui est quand même cher à la réalisatrice, à savoir la différence du sexe et du genre (et non pas du genre sexuel comme dit Toli). Sujet sur lequel il y a visiblement encore beaucoup de travail et où les recherches en la matière ont encore beaucoup de potentiel.

    Comme Toli aussi, j’ai trouvé beaucoup de similitudes avec “Ma vie en rose” (que tu aimerais je pense) même si la similitude des sujets – cette fois c’est l’histoire d’un petit garçon – ne fait pas la similitude des films.

    Comme toi, j’ai beaucoup aimé ce film tourné “au niveau” des enfants. Pendant un moment, j’ai eu 10 ans et Laure/Mickaël était un peu comme une copine / un copain d’école. C’est une fois à ce niveau qu’on se rend compte de ce que vient briser l’adulte-éducateur qu’on ne peut vraiment blâmer.

    J’ai trouvé que c’était un beau film appelant à l’acceptation de la différence à travers la difficulté. L’évocation en demi-teinte de la violence de la normalisation genre/sexe est faite sans militantisme et avec une certaine douceur. Un peu à la manière de beaucoup de belles images dans ce film.

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