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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Les agneaux du seigneur (Yasmina Khadra)

La lecture du premier bouquin de Yasmina Khadra m’a tellement marqué que j’ai été obligé d’en lire plus. Bien m’en a pris car j’ai énormément apprécié découvrir l’écrivain puis l’homme avec deux autres livres beaucoup plus personnels en plus de ce roman-ci. J’en ai encore cité quelques passages, et ai été de nouveau impressionné par la qualité de l’écriture et du style.

Il y a une claire résonance et filiation avec “A quoi rêvent les loups ?” puisque nous sommes dans un récit de montée d’islamisme et de guerre civile enragée, mais cette fois l’intrigue et l’action ont lieu en pleine campagne, dans le milieu le plus fermé et autarcique. C’est d’autant plus étonnant car on imagine plus facilement ce genre de phénomène dans des villes où les gens se connaissent finalement peu, et où on se figure que les mouvements sociaux ont plus de chance de prendre.

Là nous sommes donc à Ghachimat, un village algérien typique, et le roman se compose de deux parties assez distincte. La première est assez longue et m’a presque perdu à un moment, en effet, je ne voyais pas trop où l’auteur voulait en venir, et je commençais à trouver le temps long. Il s’agit d’une mise en place très minutieuse et précise d’une situation, d’un milieu, de descriptions morales et physiques pour nous plonger complètement dans l’univers de cette bourgade. Du coup tout y passe, on a l’instituteur, l’imam, le traître qui était vendu aux français et dont les enfants souffrent encore de l’opprobre, un nain (Zane, c’est le personnage qui m’a le plus marqué) revanchard, veule et inquiétant, et des familles avec leurs particularités et petites histoires. Yasmina Khadra dessine là sa propre comédie humaine avec quelques traits très balzaciens et purement algériens. On sent et voit poindre les rivalités, les jalousies, les puissants et les pauvres, les amoureux et les éconduits, etc.

La rupture vient comme dans le bouquin précédent de l’arrivée presque subite et inopinée de l’islamisme et de la guerre civile dans ce long fleuve tranquille. Alors tout se mélange entre crise politique et religieuse, revanche, prise de pouvoir et le drame prend des proportions extraordinaires. Dans ce petit village, des meurtres ont lieu toutes les nuits, et petit à petit plus personne n’est à l’abri. Encore une fois, j’ai beaucoup aimé l’approche de l’auteur qui fait bien comprendre le bienfondé des idées qui ont mené à cette révolution intérieure, et on y souscrit largement. Mais la soif de pouvoir, l’extrémisme, et dans ce cas, les luttes intestines et les vengeances mesquines transforment le message originel et mutent des agneaux en loups sanguinaires et barbares.

Les descriptions sont tout autant saisissantes et parcimonieuses dans la seconde partie, avec des moments donc très pénibles, et qu’on imagine malheureusement plutôt réalistes. Le bouquin m’a laissé essoufflé et stressé sur la fin, cette barbarie gratuite et vengeresse paraît tellement évidente et dingue à la fois. Cela fait peur de se dire que c’est un mécanisme tristement banal. Et en plus de tout cela, le romancier a le talent pour insuffler une vraie âme à ses personnages, malgré des portraits un peu caricaturaux et “allégoriques”, et on y croit donc d’autant plus, et on est d’autant plus touché.

Les agneaux du seigneur (Yasmina Khadra)

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