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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

La vieille (Simenon)

La vieille (Georges Simenon)

Voilà un bouquin que j’ai lu il y a deux cent cinquante ans par le plus grand des hasards, dans une maison de vacances de je ne sais plus qui. Vous savez, une vieille bibliothèque poussiéreuse avec une myriade de livres de poches aux pages râpeuses et jaunies. J’avais pris au hasard un Simenon en me disant “tiens un bouquin policier, parfait pour les vacances”. Mais “La vieille” de Simenon n’est pas un livre policier, et c’est un de mes bouquins fétiches. Il m’a marqué à bien des égards, et j’ai ressenti le besoin récent de m’y replonger. D’ailleurs c’est en fouinant le net à la recherche d’informations à son sujet que j’ai fini par atterir , sérendipité aidant, sur “La vieille dame indigne“. Je l’ai facilement trouvé et acheté en format numérique et l’ai dévoré comme tant de fois (je m’étais acheté le livre il y a une quinzaine d’années, mais impossible de remettre la main dessus !).

C’est étrange car le livre est une curiosité pour Simenon, il ne ressemble à rien de ce qu’il avait produit avant ou produira ensuite. La narration en elle-même est curieusement faite d’une trame assez simple et linéaire, c’est plus une ambiance chabrolienne composée de touches impressionnistes. C’est un ensemble de personnages, de sentiments, d’émotions et de non-dits (surtout) qui sont exprimés avec un talent qui selon moi défie l’imagination.

Le bouquin a été écrit en 1959, et l’action est contemporaine de cette date, au coeur de Paris (Entre St Paul et l’île St Louis, c’est dire !), et il s’agit principalement d’un roman de femmes. Femmes de toutes les générations et conditions sociales, mais aussi de lesbiennes et Simenon évoque tout cela de la manière la plus évidente et moderne. De la part de l’auteur de Maigret, ça m’avait quelque peu frappé. L’histoire est celle d’une vieille dame qui s’enferme dans son immeuble insalubre du quartier St Paul qui doit être détruit. Elle est est cloîtrée et refuse d’en sortir, sinon les pieds devant. Un commissaire mène une petite enquête et se demande si elle ne serait pas la grand-mère d’une jeune femme jet-setteuse, aventurière et indépendante (elle conduit sur des rallyes) qui habite sur l’île St Louis, Sophie Emel. Il va à la rencontre de cette dernière, et elle accepte de venir parler à sa vieille grand-mère, Juliette. Elles se parlent et sur un coup de tête, Sophie propose à sa grand-mère de venir vivre chez elle. Très surprise et d’abord suspicieuse, Juliette accepte, et elle emménage dans un magnifique appartement sur l’île St Louis avec la bonne et l’amante de sa petite-fille.

Evidemment il y a toute une histoire entre Sophie, Juliette et les femmes de l’appartement, avec des jeux et pièges psychologiques machiavéliques, qui montrent l’affrontement entre les deux femmes, autant que leurs sentiments et attachements réciproques. C’est aussi des pans de l’histoire familiales qui se découvrent, en même temps que les personnalités de Sophie et Juliette, dans leurs caractéristiques si communes et aux vécus si différents. L’ambiance est absolument fantastique dans ce Paris de 1959 où l’on roule sur des pavés, où les murs ne sont pas ravalés, où les stigmates de la guerre sont encore prégnants dans la ville, où d’anciens quartiers sont détruits et de nouveaux prennent la place, et où une jeunesse insouciante commence à émerger. Les descriptions de Paris ne sont pas si présentes mais le peu permet de se faire une idée assez précise, et encore une fois il s’agit plus d’impression, de sons, de couleurs et d’ambiances.

Tout en non-dits en regards biaisés, en pensées intérieures ou en saynètes comme autant de duels d’égos, Simenon dresse les portraits de ces deux femmes que tant sépare, et tout rassemble. Il fait preuve d’une habileté manifeste pour incarner des femmes très différentes, mais je trouve que ça passe très bien (mais je ne suis pas une femme…). Et surtout on est dans un roman qui ne ressemble à rien d’autre, mais qui a un charme fou, et de véritables qualités littéraires (tout en restant assez “simple” et très accessible dans l’écriture). Cette plongée dans la fin des années 50 est aussi pour moi une sorte de machine à remonter le temps, comme une fenêtre sur le Paris de mes grands-parents qui me fait un peu (beaucoup) rêver. Et puis bon, le Simenon qui parlait ouvertement de lesbiennes en 1959, je trouve que c’est assez fort de café !!! Il faut que les goudous me disent ce qu’elles en pensent !!! Moi j’adore ce bouquin, il me parle comme peu d’ouvrages le font.

Je n’ai absolument rien lu sur ce livre sur internet à part deux trois résumés copiés collés. Au moins, je sème une petite pousse ici, on verra si elle prendra ou pas. C’est ce qui est top avec le ouaibe, je suis certain que si un seul autre péquin a aimé cet ouvrage, il se retrouvera là un de ces quatre. Huhuhu.

La vieille (Simenon)

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  • Il’y a quelques mois, j’ai acheté en vitesse ce livre chez la librairie française à Roma en le croyant un roman policier. Il’y a quelques jours, je l’ai pris de ma bibliothèque et je l’ai lu. Pendant que je lisais… boh. Du moment que j’ai terminé… j’y pense continuellement, j’y habite dedans, il habite dedans moi. Je te remercie de ton article que j’ai beaucoup apprécié. Et excuse-moi pour mon français, mais je suis italienne!

  • Excellent livre atypique de Simenon,
    Étonnante en effet son approche vis a vis des lesbiennes quand on voit son homophobie manifeste dans plusieurs de ses oeuvres. J’ai relu récemment Maigret au Picratt’s où un dealer homosexuel “dégénéré” se voit allègrement affubler des titres de tarlouze, tantouze ou tafiole dans la pensée de Maigret et de tout son commissariat !

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