Virginie Despentes est depuis longtemps une femme que j’admire pour son talent, ses œuvres, et en définitive son importance pour la société toute entière. L’énorme révélation fut pour moi King Kong théorie qui a marqué son époque et j’imagine les générations actuelles de féministes de tout poil.
J’écoute depuis quelques temps déjà le podcast “Les couilles sur la table” qui traite de féminisme en s’intéressant aux mecs, enfin plus exactement aux “masculinités”. Les épisodes sont très variés, et j’aime beaucoup le ton et l’habileté de Victoire Tuaillon qui est la plupart du temps très perspicace, renseignée et pédagogue.
Pour la rentrée, cette dernière a publié 4 épisodes exceptionnels qui compilent des entretiens avec Virginie Despentes. “Exceptionnels” selon moi car le format du podcast autorise beaucoup de libertés, et que l’on a un dialogue qui n’est pas trop cadré ou monté. Il y a des silences, des hésitations, une connivence qui s’instaure, et quelques assertions qui valent vraiment leur pesant de cacahuètes. Les thèmes vont et viennent même s’ils tournent beaucoup autour bien sûr du féminisme et des masculinités comme l’autrice du podcast a l’habitude. Inutile de dire que l’écoute de ces épisodes est INDISPENSABLE !!!
J’ai juste voulu là partager et relever quelques éléments qui ont particulièrement retenu mon attention. Evidemment des trucs de pédé, on ne se refait pas !!! Tout cela d’ailleurs avait commencé il y a quelques mois alors que j’écoutais justement un épisode des couilles sur la table intitulé Jacquie, Michel et les autres.
L’épisode m’a beaucoup intéressé, comme la pornographie peut m’intéresser depuis des lustres, j’avais notamment contribué en 2006 à une série d’articles pour un site web florissant de l’époque “Le journal du Porn”. Il fallait voir le déferlement de commentaires homophobes que l’éditeur du site avait eu suite à ma contribution qui portait sur le porno gay. Je m’étais déjà posé la question, sans doute candide ou naïve je pensais, de savoir si le porno gay était plus vertueux que le porno hétéro, uniquement parce qu’il me semblait que la notion de domination était moins présente, ou du moins elle n’était pas synonyme d’infériorité ou de position dégradante. Même dans le pire film de “pigs”, tous les mecs ont l’air de prendre leur pied, et ça reste un truc “bon enfant”. Après je généralise, alors que je peux aussi me remémorer des trucs beaucoup moins proprets avec des acteurs qui ont l’air clairement drogués et limite forcés.
Cet épisode du podcast revisitait pour moi le même genre de réflexions. Et j’étais mal à l’aise en écoutant le type (Robin d’Angelo, qui paraît un mec pas complètement taré) raconter ce à quoi il avait assisté pendant des tournages X hétéros. Je me disais alors “mais vraiment est-ce que le porno gay est plus clean ou je me fais des films ?”. Je repensais également à mon fameux article traitant du moignoning (Attention l’article est très explicite), et de l’affirmation du studio quant à la nature des désirs et actes sexuels ainsi filmés.
Et par hasard, dans ce premier épisode de l’interview de Virginie Despentes, vient le sujet du porno, et la comparaison avec le porno gay. Et apparemment, on pense à peu près la même chose.
Il semblerait donc que le porno gay “en général” (car on trouvera toujours des abus) apparaisse plus respectueux de ses acteurs et du positionnement de chacun. Et d’ailleurs c’est marrant de constater comme les actifs ne sont pas forcément les stars aujourd’hui (ça l’était clairement il y a quelques années), mais que les choses tendent à s’équilibrer avec le temps (comme si les homos aussi tendaient à éviter l’hétéronormalisation qui consistait à célébrer l’actif, et honnir le passif).
Un autre extrait m’a fait beaucoup de bien. C’est sur la critique des films “trop” ou “pas assez”, c’est-à-dire les descentes en flamme d’œuvres de fiction qu’on accuse de présenter des clichés ou carrément de promouvoir le patriarcat etc. Le pire c’est que je suis souvent d’accord avec les critiques dans le fond, mais que la seule raison de s’offusquer et de lutter ce n’est pas contre ces œuvres, c’est pour la diversité des représentations. Cela vaut aussi pour les cris d’orfraie du genre “oh c’est un cliché du gay qui est bla bla bla”. Eh bien non, on a besoin de diversités c’est tout. Comme le dit Despentes le problème ce n’est pas Kéchiche et son cinéma, c’est qu’il n’y ait pas de “Kéchichette” en face, et que le système fasse que cela soit tout bonnement impossible.
Ta connerie… Ma connerie.
Enfin, j’ai absolument adoré le passage du dernier épisode qui évoque indirectement une des polémiques de ces dernières semaines (en tout cas sur mes antennes touitesques). Il s’agit de l’interrogation qui est faite à propos de la “sortie de l’hétérosexualité”, et c’est bien cela qui a choqué, et comme d’habitude a été largement sorti de son contexte. Alors qu’il s’agit de s’interroger pour des femmes, si, tout simplement, on peut être féministe et hétérosexuelle. Cette question est plus rhétorique qu’autre chose, mais elle est passionnante, et elle doit être discutée. Et c’est une réalité pour des femmes qui voient aussi leur homosexualité comme un acte politique ultime féministe. Bref ça m’intéresse énormément. Et en écho tout à fait stochastique et merveilleux, la semaine dernière un autre de mes podcasts favoris “Dans le genre de” présenté par Géraldine Sarratia m’a livré une superbe référence. Il s’agissait de Sébastien Lifshitz qui était invité, et la fin de l’épisode proposait une citation d’un film de ce dernier dont la protagoniste Thérèse Clerc m’avait énormément marqué dans les Invisibles et Les vies de Thérèse (poignant documentaire qui relate les derniers moments de la vie de la militante).
Pour Thérèse c’était assez clair, et c’est très drôle d’entendre le désaccord de sa petite-fille à ce sujet. Virginie Despentes et Victoire Tuaillon l’évoquent donc également, et avec quelque part la même philosophie. La réponse n’est pas uniforme et univoque, mais chacun·e doit bien entendu trouver sa voie·x à ce sujet.
J’espère que je vous ai donné envie d’écouter tout ça !!!! :D