MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Tous logopathes !

Il suffit de jeter un coup d’œil à ce touite et les réponses à celui-ci pour s’en convaincre.

https://twitter.com/QA_Lyon/status/1233337951934959616?s=19

Eh oui, *les gens* aiment de moins en moins téléphoner et parler directement à un autre être humain, et surtout dans un contexte professionnel ou administratif. Pour certain·e·s c’est même une sorte de handicap social qu’il est très difficile à surmonter. On a, année après année, été naturellement désintermédié par des technologies de communication plus écrites que vocales. Cela passe par les emails, les SMS ou les myriades de formulaires qui permettent d’effectuer des démarches en ligne. Avant cela, bien sûr, il y avait le courrier papier, qui subsiste toujours même s’il s’étiole lentement. Mais le téléphone depuis une centaine d’année est/était un outil de communication “direct” et vocal indispensable.

D’ailleurs, j’ai l’impression que ce phénomène a aussi largement contribué à déjouer un de ces objets futuristes qu’on imaginait dès les années 50 : la visioconférence. Je me souviens de ce fantasme du téléphone/vidéo dans tous les esprits, les bouquins ou les films. Ça ça faisait vraiment avant-gardiste. Cela fait quelques années que ça existe, et il est vrai que lorsqu’on veut partager son environnement avec quelqu’un c’est chouette. Pour montrer son appartement ou sa location au soleil ou je ne sais quel élément vraiment prégnant, mais sinon c’est “no way”. Nan mais oh, envoie-moi une photo ou une vidéo même, mais pas la peine d’appeler et encore moins avec la visio espèce de pervers !!!!

J’ai l’impression que le seul usage est celui des couples divorcés qui se partagent des enfants. Pour voir et parler à papa ou maman, c’est vraiment utile et chouette, mais même pour les grands-parents d’ailleurs, et la vidéo permet d’interagir en voyant le petit grandir. Ok, seems legit.

Et je vois de plus en plus de preuve de cette peur de l’autre ou d’entamer une conversation avec quelqu’un qui n’est pas un familier, ou sur un sujet dont on ne sait pas à l’avance le schéma de réponse. Par exemple, demander un truc dans un magasin, demander une table au resto, se faire aborder dans une boutique de fringues, appeler pour un problème quelconque etc. Je fais partie des gens qui ressentent bien cette gêne, mais qui en revanche l’affrontent en prenant sur soi, et en élaborant un plan en avance. Par exemple, je prépare toujours ma phrase quand j’appelle pour un problème administratif, comme un étudiant qui prépare son premier entretien professionnel. Hu hu hu. Je suis tellement habitué que je ne prépare plus vraiment, mais je me mets vraiment en mode “tu joues un rôle”, mon petit mode actors’ studio.

Je continue d’appeler et d’être appelé par ma maman. Je pense que c’est le seul coup de fil que je ne redoute pas. Mais de plus en plus, on s’envoie des messages via Whatsapp, et on se passe de coups de fil quand “on a pas grand chose à vraiment se dire”. Au boulot bien évidemment, les coups de fil continuent, mais maintenant la plupart du temps ce sont des échanges d’email qui cadrent parfaitement un échange vocal éventuel. Sinon ce sont des conférences téléphoniques, et à plusieurs ce n’est pas pareil, ça passe mieux.

Tout cela me fait vachement penser à deux romans d’Isaac Asimov de 1954 et 1957, il s’agit des Cavernes d’acier et surtout de Face au feux du soleil. Nous sommes dans un futur assez lointain où les humains sont sociologiquement séparés dans deux camps.

D’un côté les Terriens qui vivent dans de gigantesques villes souterraines surpeuplées (pour échapper à la pollution, et ils sont devenus assez hypocondriaques) avec un fonctionnement très communautaire et “kolkhozien”. Les robots sont interdits ou du moins sont accueillis avec beaucoup de méfiance, même si le principe même de subsistance dans ces villes repose sur des machines. Ils utilisent pour se déplacer un système qui a marqué tout ceux qui ont lu le bouquin, il s’agit d’un réseau de tapis roulant dont la vitesse est croissante, et on passe graduellement de l’un à l’autre pour se déplacer de plus en plus vite à sa destination (et on rétrograde jusqu’à descendre à sa “station”).

De l’autre côté, on trouve les Spaciens qui comme leur nom l’indique ont colonisé des planètes extraterrestres. Et là c’est l’opposé. Ils vivent en populations très réduites, dans de gigantesques domaines, et sont ultra-robotisés. Ils ont gagné une guerre contre les Terriens, et les ont confiné dans leurs villes souterraines, craignant aussi que ces derniers ne soient porteurs de maladies contre lesquelles ils ne seraient pas immunisés.

On suit dans le roman un détective Terrien, Elijah Baley, qui doit faire équipe avec un robot humanoïde, R. Daneel Olivaw, dans un cas de meurtre impliquant les deux populations. Dans le second bouquin, Face aux feux du soleil, les deux policiers doivent de nouveau faire équipe pour aider à résoudre une affaire sur la planète Solaria. Cette planète est si peu peuplée, que les gens qui y habitent ont perdu l’habitude de se fréquenter. Ils sont seuls sur des domaines de milliers de km2, et ils ont des centaines de robots à leur service. Ils correspondent les uns avec les autres par vidéo ou par le truchement de leurs robots, mais jamais en présence physique. Ils sont incapables d’entrer en contact physique avec un autre être humain, même pas leurs propres enfants (qui sont évidemment procréés artificiellement). Or un des habitants a été assassiné à l’arme blanche, et les robots sont incapables de tuer un être humain (les trois lois de la robotique d’Asimov sont évidemment là rappelées), donc qui a bien pu faire cela ?

Je me demande si c’est déjà cela qu’Asimov avait en tête lorsqu’il a imaginé les Spaciens ? Et quand je me vois peiner à sortir alors que je peux commander à manger, je peux streamer tout ce que je veux sur ma télévision, je suis allongé sur mon canapé confortable, étant même du genre à faire du sport avec mon RingFit ce qui m’évite de sortir, je me demande si les otaku des années 90 n’étaient pas qu’une préfiguration de notre société.

Bon après je fais le rapprochement avec les gens qui préfèrent s’écrire plutôt que de s’appeler, mais cela n’est peut-être qu’une relation très spécieuse et pas du tout fondée. Hu hu hu.

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  • Parler au téléphone à des étrangers est souvent une épreuve… Je me prépare aussi (quand il s’agit d’un inconnu) à ce que je vais dire, j’écris même parfois quelques mots pour me rappeler ma ligne et les points importants ^^

    Avec les ami·e·s, je n’ai pas de problème à les appeler, mais souvent j’utilise le message écrit pour éviter de déranger la personne, sauf si écrire est plus long ou compliqué que de passer un appel ! J’utilise aussi de plus en plus les messages vocaux (qui sont en train de se démocratiser en France alors qu’ils sont super utilisés depuis longtemps au Brésil).

    J’aime bien avoir les amis ou la famille au téléphone car on peut papoter, de tout et de rien :-p

    J’évite au maximum les appels à des sociétés : je préfère me déplacer pour leur parler directement car je me sens plus à l’aise en face-to-face… Malheureusement ce n’est pas toujours possible !

    Avec le mariage qui arrive, je vais devoir appeler les salles pour aller les visiter… Je repousse mais va falloir que je m’y mette

  • Je hais le téléphone (sauf le coup de fil hebdo aux parents) de toute mon âme et les appels en visio encore plus !

    Bref, ce billet résonne (comme le téléphone, hahaha) et tu m’as donné des envies de lecture.

  • Comme j’écris dans un style “droit au but et pas d’histoire”, j’ai tendance à appeler au boulot quand… je ne veux pas laisser de traces, quand je ne sais pas formuler quelque chose de façon aimable, ou quand ça fait trois mails qu’on échange sur un même sujet: au bout de trois mails, j’appelle, pour comprendre ce qui bloque (ou même deux).

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