C’est en lisant ce post sur Instagram d’une blogopote que je me suis dit que je devais lire ce court roman japonais de Mieko Kawakami. Cela se dévore en deux coups de cuillère à pot, et ça en vaut vraiment la peine, car c’est un texte aussi fort qu’il est cru, et assez surprenant pour un bouquin japonais. Surprenant à certains égards, mais cela reste terriblement japonais du début à la fin, et c’est un délice.
Je ne connaissais pas cette autrice mais Mieko Kawakami est très connue, et notamment depuis la publication de cet ouvrage en 2007, pour lequel elle a d’ailleurs eu le prix Akutagawa.
J’ai d’abord été surpris par ce titre, mais qui prend tout son sens, car oui le roman parle de seins et d’œufs, oui oui. L’intrigue est assez simple et linéaire, on suit une mère et sa fille, Makiko qui va avoir 40 ans et Midoriko qui en a 12. Elles se rendent à Tokyo pour séjourner chez la sœur cadette de Makiko, Natsu, qui vit seule dans un petit appartement. Makiko est obnubilée par une opération d’augmentation mammaire, qui paraît être son seul salut, tandis que sa fille Midoriko est apparemment dans un trouble adolescent assez intense. D’ailleurs elle ne parle plus à sa mère, ou à quiconque, elle se promène avec un carnet et elle écrit dessus pour parler à autrui. Le roman se compose des pensées intérieures de Natsu, et des extraits du journal intime de sa nièce.
Le roman est très naturaliste et vraiment d’une crudité parfois surprenante quand on connaît la pudeur proverbiale des japonais. Mais comme on est dans les pensées intimes des narratrices, finalement ce n’est pas mal venu. Et donc Natsu nous dépeint un portrait assez terrible de sa frangine et sa nièce, entre description peu ragoutante et incompréhension totale de leurs attitudes. La nièce, elle, nous décrit son mal-être, et surtout sa détestation de sa mère, et cela passe aussi par ses propres difficultés à accepter sa puberté, et tout ce qui est de l’ordre de la biologie féminine. Le bouquin est d’ailleurs très littéral et descriptif notamment sur le fonctionnement des ovaires ou des règles.
Tout cela finit dans une apothéose d’engueulades, de cris, mais aussi d’émotions et de sensations, et à la japonaise, dans une certaine maîtrise de soi qui se traduit par quelques actes surréalistes, dont l’usage tragicomique d’œufs dont je vous réserve la surprise.
On est vraiment dans un roman de la féminité, et je pense qu’il parle différemment à des hommes ou à des femmes. J’ai beaucoup aimé à la fois l’incongruité apparente de certaines scènes, mais aussi la justesse de certains comportements ou réactions face à l’âge, à la puberté ou l’absence (notamment d’un père). Les trois femmes représentent trois états différents, même pas trois archétypes mais plutôt trois individus dans des moments de vie distincts, avec l’incommunicabilité classique de la grande ville, la difficulté d’accepter sa propre image qu’elle soit dans l’âge et l’apparence, ou l’acceptation de grandir, ou encore son statut social.
Le roman est assez court pour ébaucher ces portraits, mais l’autrice ne nous donne finalement pas grand chose à se mettre sous la dent. Néanmoins cela donne du grain à moudre également puisqu’on peut laisser filer son imagination à loisir.
Vos deux comptes rendus donnent très envie de le lire ; il a été traduit aussi en espagnol : je vais donc essayer de me le procurer en une des deux langues.
Évidemment je n’ai encore rien à dire sur le roman ; mais quand j’ai lu l’autre jour l’avis de Samantdi, m’avait fait sourire sa mention au « minuscule appartement » de Natsu (je m’étais dit que, pour Tokyo, l’étrange aurait été un ‘grand appartement’). Tu parles, ¿en tant que parisien?, d’un « petit appartement », ce qui m’a fait sourire aussi, tout en me demandant si pour une tokyoïte seule ce ne serait plutôt un appartement de taille normale ;-)
Tu as raison, c’est très commun au Japon de vivre dans des boîtes à chaussures, au vu de la pression immobilière énorme. J’avais même été choqué par la taille des chambres d’hôtel à Tokyo.
Donc c’est un petit tout à fait normal appartement !
C’est drôle cette réflexion sur la taille des appartements. Dans mon avant dernier message j’ai parlé de Vassilis Alexakis un écrivain grec qui écrit en grec et en français (tout le monde le qualifie de “franco grec”, même le Monde dans sa nécrologie et pourtant dans son dernier roman paru il dit qu’il n’a jamais demandé la nationalité française). A Paris il vivait dans un studio de façon j’imagine très spartiate même s’il avait vue sur la tour Eiffel (ce qui n’est pas un exploit en soi à Paris vu qu’elle se voit de partout). A Athènes il habitait une grande maison avec jardin, table de ping pong etc, donnant sur la mer. Je suis contente pour lui qu’il n’ait pas vécu les confinements, surtout le premier, à Paris. Tu imagines Sartre ou Beauvoir confinés ?
Il ne doit pas avoir grand risque de perdre son temps en lisant ce livre très court, ne serait ce que pour le plaisir de découvrir un “monde” différent.
Tu as peut être lu ce roman, aussi très court : “Nagazaki”
https://www.babelio.com/livres/Faye-Nagasaki/191803
Comment peut on cohabiter avec quelqu’un chez soi à son insu, surtout dans un espace restreint ?
Oh merci pour la suggestion !!!