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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Black Mirror (suite et fin)

Je me dois d’écrire un mot à ce sujet, car c’est un tel gâchis que ça m’agace sincèrement. ^^ J’ai adoré Black Mirror au point d’écrire à ce sujet il y a tout juste dix ans, c’était en mai 2013. Cette première série brittonique m’avait autant plu qu’elle m’avait glacé les sangs avec ses scénarios d’anticipation d’une clairvoyance flippante et d’une ironie vraiment grinçante sur les dérives de nos sociétés numériques.

C’était à ce point bon que ça nourrissait franchement mes accès de dépression existentielle et que ça mettait surtout le doigt avec des exemples très probants sur la perversion de services numériques déjà là ou en germination. La perversion n’étant évidemment pas tant dans les services que dans leurs usages de nos coreligionnaires évidemment. En plus de cela, la série était superbement écrite, mise en scène et jouée, et on avait des épisodes “moyens-métrages” qui dépassaient les carcans et formats habituels.

Tout cela était valide pour les deux premières saisons (2012-2013), mais dès la saison 3, les choses changent, mais nous sommes en 2016 et peut-être que c’est aussi parce que beaucoup de temps s’est passé. Malgré tout, c’est une bonne saison qui reprend les codes initiaux et se permet quelques “twists”. On y trouve, en complète opposition à mon assertion pessimiste, sans doute parmi les deux meilleurs épisodes de la série. En effet, la saison débute avec une exemplaire démonstration des dérives des réseaux sociaux. On y découvre Bryce Dallas Howard qui cherche à être la plus parfaite des femmes uniquement pour faire grimper son image sociale, car c’est une époque où les gens se notent sans cesse, et où ce score à base de 5 étoiles est un sésame pour la société. Et comme à peine quelques années plus tard, on a vu ce genre de scoring apparaître en Chine, on se dit qu’on est loin de la dystopie. L’épisode est génial car il va au bout en poussant à fond la satyre et l’absurde dans une chute tragicomique des plus perturbantes. Mais celui qui est le plus marquant selon moi c’est Shut Up and Dance avec Alex Lawther qui est un comédien ultra-talentueux qu’on a beaucoup vu depuis. Il s’agit sans doute là de la conclusion la plus grinçante de la série, et qui vraiment ne laisse pas indemne.

On peut aussi noter San Junipero (avec Gugu Mbatha-Raw) qui était mignon et proposait une vision un peu plus romanesque et moins noircie de la série. Mais après, de bonnes idées qui n’allaient pas aussi loin, ou n’étaient pas aussi abouties. Néanmoins, j’avais adoré l’idée par exemple de Men Against Fire et ce dispositif qui faisait passer les gens “ennemis” pour des monstres mutants aux soldats équipés, ce qui les désinhibait pour tuer des civils en mode “épuration ethnique”. Encore une fois, glaçant tant on peut imaginer ce genre de débouchés à nos technologies actuelles.

Pour la saison 4, il ne reste plus que quelques bonnes idées, dont les développements sont un peu poussifs ou juste répétitifs. On commence à voir les ficelles, à cerner les gimmicks d’écriture et à trouver le dispositif moins emballant car prévisible, et surtout un peu “simple”. Je crois que le seul épisode notable est Metalhead qui est en noir et blanc et à la direction artistique impeccable. On est dans un monde dont on ne connaît que peu de chose, mais qu’on devine post-apocalyptique ou en guerre, et des gens se font “avoir” par une sorte de mine qui diffuse des microémetteurs. C’est alors une course poursuite et des chiens en métal (type Boston Dynamics) détectent et traquent alors sans cesse ces futures victimes, ils sont increvables (se rechargent en énergie solaire) et à l’opiniâtreté sans fin. Après les autres épisodes, c’est de la redite ou des variations sur des thématiques déjà abordées. Pas mauvais, mais vraiment pas ouf.

Le film de 2018 Bandersnatch qui est interactif et permet d’avoir un épisode avec différentes fins ou narrations, est sympathique mais pas plus. Vite oublié.

La saison 5 est naze de bout en bout, aucun intérêt, et plutôt maladroit même.

La sixième qui vient de sortir a au moins de mérite de trancher avec les autres saisons. Mais il ne s’agit pas de renouer avec ce qui a fait le succès de Black Mirror, du coup il aurait mieux fallu appeler ça autrement. ^^ Car ça n’a rien à voir avec la choucroute !!

On est dans des productions incroyables, c’est beau, c’est cher, c’est léché. Les comédiens et comédiennes sont parfaits, et les épisodes sont impeccablement filmés et montés. Mais on est dans un même modèle : les épisodes sont longs, se mettent en place très lentement, proposent une révélation finale, et ça n’a aucun intérêt. C’est pétard mouillé sur pétard mouillé. Mais au-delà de cela, le modèle en question est à chaque fois celui d’un épisode de la Quatrième Dimension ou bien des contes de la Crypte, ou encore avec des airs familiers d’American Horror Story. Pour ce dernier, c’est aussi parce que la forme est travaillée, et on se retrouve avec des efforts pour faire du rétrofuturiste ou du fantastique, du gore ou une quelconque forme archétypale qui rend hommage (sans doute) à un style de récit télévisuel. On retrouve aussi une proximité avec toutes les pâles copies de Black Mirror qui ont émaillé les services de diffusion TV à la demande ces dernières années (à part Tales of the loop qui selon moi était pas mal).

Le premier épisode Joan Is Awful propose une histoire plutôt sympa, on est avec une personne qui découvre un soir que sa vie est proposée par Netflix (qui s’appelle Streamberry) qui diffuse en quasi temps-réel une version bitchy d’elle, ce qui précipite sa chute. Mais la fin de l’épisode est cousue de fil blanc, et on s’en fout rapidement. Le propos n’est pas mauvais, avec la fabrication en temps réel de séries avec des IA et des modèles numériques de comédiens connus etc. Mais la mise en abîme ou la conclusion ne sont pas bien utilisées, et ça ne fonctionne pas. Le reste de la saison va de Charybde en Scylla, et j’ai regardé en étant de moins en moins convaincu.

Les idées dystopiques et l’évolution de notre société au vitriol ne sont même plus là, ce sont de bons épisodes de la Quatrième Dimension en soi, mais ce n’est plus Black Mirror.

La véritable suite de Black Mirror est encore anglaise, et c’est réalité la minisérie Years and Years de Russel T Davies.

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  • Je n’en suis qu’à 2 épisodes visionnés, mais force est de constater que “le fil blanc” est effectivement cousu sur un tissus noir: visible dès les premières minutes. Et c’est très frustrant de deviner la fin si tôt, là où tout le jus de Black Mirror résidait justement dans l’escalade des dérives qu’on n’envisageait même pas. “Tales from the mirror” aurait été une alternative de titre plus adéquate :clindoeil:

    • Mais oui il suffisait d’annoncer la couleur. Ce qui m’interpelle c’est Charlie Brooker qui reste le scénariste de tout ça, et le créateur de la série. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il était associé à d’autres et il les a lâchés alors que c’était cette sauce là qui marchait (un peu comme Jeunet et Caro) ? Il est pollué par Hollywood/Netflix ? Il a tout donné au début, et il a la goutte à l’imaginative (pourtant les idées restent bonnes) ?
      :croa:

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