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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Rassemblement contre la transphobie à Quimper avec le CTEFS

J’ai évoqué récemment la grosse tempête de merde qui est en train de passer sur le pays suite à la publication d’un livre transphobe (et endossé par l’extrême-droite, CQFD). Ce dimanche, une grande série de manifestations et rassemblements étaient organisés pour exprimer notre soutien aux trans, à leurs droits, et aussi pour dire clairement non à la transphobie. J’ai été un peu étonné, et agréablement surpris, de la densité des événements qui indique que les trans et leurs allié·e·s sont partout en France. On était vraiment sur une démonstration globale plus que sur un coup de force centralisé, et qui réduit forcément les LGBT+ à la (trop) bien connue frange c’est un truc de parisiens.

La liste des villes dans l’ordre alphabétique :

Alès, Ajaccio, Amiens, Angers, Arles, Aubenas, Angoulême, Bayonne, Besançon, Bordeaux, Bourges, Brest, Bruxelles, Caen, Chambéry, Clermont-Ferrand, Dieppe, Dijon, Grenoble, Le Havre, La Rochelle, Le Mans, Lens, Lille, Lorient, Lyon, Marseille, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Nîmes, Niort, Orleans, Paris, Pau, Poitiers, Quimper, Rennes, Saint-Etienne, Saint-Denis de la Réunion, Saint-Quentin dans l’Aisne, Saint Omer, Strasbourg, Toulouse, Tours.

Source : Riposte Trans

Des manifestations, ce dimanche, dans des grandes communes urbaines, mais aussi des moyennes et très carrément pas très grandes villes ont émaillé l’ensemble du pays, c’est chouette de constater cela. Même si ce n’est qu’un petit mouvement, à l’échelle sans doute d’une minorité aux alentours de 0,08% de la population (si prend la fourchette haute des 60 000 personnes trans1 en France que ce rapport évoque), c’est une visibilité salutaire pour lutter contre l’injuste opprobre actuelle2. Les 8 000 personnes à République à Paris c’est une visibilité dont on a besoin pour apparaître dans les médias et pour marquer les esprits. Mais ce dimanche à Quimper, j’ai ressenti à quel point c’était aussi important de marquer son territoire localement.

C’était un peu la croix et la bannière pour être au courant de ces manifestations, et j’étais vraiment motivé pour savoir ce qu’il se passait et où. Malgré tout je regrette que toute la famille LGBTQI+ et leurs alliés ne soit pas rassemblés pour un événement pareil. Alors que la Pride quimpéroise nous a clairement montré qu’on pouvait regrouper une vraie foule pour faire la fête, il le faudra aussi pour des occasions moins festives et plus revendicatives. Car ce sont bien nos frères, sœurs et adelphes qu’on vilipende en ce moment, et nous à travers eux, il ne faut pas l’oublier (les transphobes sont rarement gay-friendly).

A Quimper, c’était l’appel du CTEFS (Collectif Trans en Finistère Sud) que nous nous sommes rassemblés, en plein centre ville, devant la sublime cathédrale St Corentin à 18h. Les gens sont arrivés petit à petit, mais ça faisait un joli groupe d’un peu plus d’une centaine de personnes selon moi (300 selon les organisateurs, mais ils ont fumé ^^ ).

Les organisateurs et membres du collectif ont installé plusieurs bannières et banderoles, et après quelques minutes nous avons eu quelques discours militants, et très ouverts à tout ceux qui avaient leur mot à dire.

Les discours de militants comme cela sont parfois un peu lénifiants, mais là vraiment pas. J’ai adoré le ton et la teneur des messages qui étaient d’une logique implacable et structurés et circonstanciés, mais aussi du fond du cœur et porteurs de joie et de bonheur à venir malgré l’adversité, mais aussi politique et revendicatif, avec en filigrane une implacable raison de continuer à lutter pour plus de droits et de justice.

Les personnes qui ont témoigné ensuite étaient incroyables, et tellement différentes et riches d’expériences, de créativité, de volonté d’avancer ensemble et d’apporter autant leurs histoires, que leurs opinions et leurs émotions dans ce mouvement vers l’avant. Sans aucune concertation et spontanément, il y a eu des personnes d’âges différents (et une personne visiblement âgée à la fin pour rappeler contre l’âgisme et le validisme), de styles, d’expressions de genre et de personnalités très diverses, pour parler de soi, citer un passage marquant d’un bouquin ou d’un discours, pour enjoindre à la lutte pour les droits, pour exprimer sa peur de sortir dans la rue, ou pour partager son soutien à toustes.

Il s’est aussi passé le truc le plus inattendu qui soit pour moi. Je dois vraiment être un grand candide, mais vraiment je ne pouvais pas me douter qu’il se passerait quelque chose comme ça en 2024 dans le centre ville de Quimper.

Quand on est arrivé sur la place devant la cathédrale, j’ai remarqué que quelques personnes étaient dispersées mais avec un style un peu analogue, l’air renfrogné, tout en noir, et avec des masques ou des cache-nez autour du cou. Et quand le rassemblement s’est formé et que les discours allaient commencer, les gars en question se sont regroupés, et il étaient tous masqués en noir, comme le jeune homme ci-dessous.

J’ai été surpris que des antifas soient présents comme cela pour un rassemblement de si peu de personnes. Je ne voyais clairement pas pourquoi, pour casser des trucs ? Non c’est pas le genre sur une manifestation de ce type, et je voyais bien que les personnes du collectif interagissaient avec ces gens. Mais alors avec nous, contre nous ? C’était dans un coin de mon œil, mais ça me turlupinait.

Et j’ai compris… Et j’ai frémis. Ils sont arrivés en file par une rue qui descend sur la place. Je vois d’abord un type qui passe sur le côté des deux militants qui discouraient. Son look m’interpelle. Le mec est habillé en costard mais bizarre, on dirait qu’il sort d’une murder-party des années 40 !! Costume trois-pièces bleu pétrole, moustache à la Hercule Poirot, yeux bleus perçant, brun de geai, et un rictus tendu très flippant, les lèvres pincés dans un sourire narquois, la morgue aux lèvres.

Ils étaient en file et toute la troupe était analogue !! Un blondinet avec des bretelles qui sortait des 400 coups, une fille en robe blanche du dimanche extraite directement d’Alice au Pays des Merveilles, deux ou trois types en costumes tirés à quatre épingles, les cheveux gominés, et tous avec ce même air hautain, haineux et en même temps moqueur et goguenard.

D’un coup, les fachos obliquent vers les personnes en train de parler au micro, mais sans même que je m’en sois aperçu, les antifas s’étaient réorganisés, et avaient formé une ligne de trois ou quatre gars en noir pour les protéger. Les mecs c’était des shinobis de Konoha je vous jure ! ^^ Et il n’y a pas eu d’échauffourées, juste ces personnes du siècle dernier qui sont passées distiller leurs menaces et leur haine, avec une intimidation de gestapistes de fin de race qu’ils sont. Et figurez-vous qu’une seconde salve a enchaîné, avec encore des personnages dingues tels cette jeune femme tout en rouge avec un chapeau immense à la Lady Di, et un gars à la moustache cirée et pardessus qui appartenait clairement à un daguerréotype. Et c’est le même spectacle, et la même réponse de nos protecteurs spécialistes de la guérilla urbaine.

J’ai senti la situation s’envenimer pendant quelques secondes seulement, mais je pense que c’était seulement de l’intimidation de la part de ces olibrius adorateurs des temps anciens. En regardant les photos, de plus près on les voit bien installés en un groupe dense (on voit à droite le galurin rouge vif de Lady Di) avec ce type qui est le seul tourné vers nous et qui observe attentivement le déroulé du rassemblement.

Mais qui sont ces gens ? Franchement, quand on nous accuse de vivre sur une autre planète ou d’avoir des mœurs étranges, je m’interroge sérieusement sur ce qui peut pousser des jeunes gens à s’attifer comme cela. Comme si le bonheur c’était la France des années 40, même si le port de la chemise brune ne les dérangerait certainement pas ? Mein gott. Et ce qui était troublant, c’est que c’était des personnes super belles, vraiment des beaux gars et des jolies filles bien propres sur eux, avec des petites joues roses comme Heidi à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Les mêmes suppôts qui viennent à un rassemblent contre la transphobie pour semer le trouble, pour agresser des innocents et pour se repaître de minorités sans défense (alléluia pour les Shinobis de Konoha).

C’est aussi important de comprendre que même dans une ville comme Quimper on peut prendre des risques à manifester pour défendre les droits des personnes transgenres. On se pense tellement en dehors de ces comportements régressifs et totalitaire, alors qu’ils sont tapis dans l’ombre et n’hésitent pas à sortir quand ils sentent l’odeur du sang.

Donc plus que jamais, luttons pour nos droits, assumons et affirmons nos opinions et nos crédos. Cela commence toujours par les minorités, et nous en sommes tous et toutes à certains égards.

  1. Cela paraît encore plus dingue qu’on casse les bonbons à des personnes qui sont si peu nombreuses et dont la seule espérance et motivation est de vivre en accord avec soi, et dotées des droits qui devraient naturellement leur permettre de vivre heureuses et épanouies. ↩︎
  2. Il y a ce bouquin, mais aussi des tas d’accusations allant de la médicalisation des jeunes au prosélytisme et à une “mode contagieuse”. ↩︎

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  • Si tu pouvais en profiter pour expliquer aux homos que le fait que Bardella ait une jolie petite gueule (enfin, moi je trouve qu’il ressemble à Poutine, chacun ses goûts) n’est pas un motif suffisant pour voter pour lui.
    On explique qu’il faut aller voir ce que fait Meloni en Italie, qui essaie de toucher aux droits de la parentalité. Ou Orban avec l’IVG (ils sont dans les mêmes groupes au Parlement). Mais on sait bien que la plupart des gens ne sont pas assez motivés pour aller voir.
    Ça me bouffe. Comme les filles qui votent Zemmour qui les méprise. Insupportable.

    • Il me fait encore plus peur avec sa belle gueule justement !!! Mais tu as raison, il attire bien trop de monde avec ce privilège affreux. :merde:
      Cela me bouffe autant. :triste:

  • Ah oui, l’ “effet de mode”, c’est facile… Moi, je note que sur tes photos, on ne voit que des personnes habillées normalement, et qui donc se fondraient parfaitement dans la masse si on voulait bien les laisser vivre. Alors que les extrémistes vêtu·es comme dans l’entre deux guerres, on les remarque forcément (bien sûr qu’ils sont beaux, ils soignent leur image, il faut être lisse pour plaire, cf ce que dit Alice sur Jordan Barre-toi-de-là).

    • Oh mais au quotidien, je suis certain qu’il ne pose de problème à absolument personne, et c’était en effet un rassemblement de gens aux mines les plus adorables. C’était d’autant plus difficile de vivre ce moment, ça me rappelait vraiment les cours de récré avec ces gens beaux et puissants (souvent les fils et filles de bourges du coin) qui tapaient avec plaisir sur des nerds asociaux un peu moches (dont je faisais partie, alléluia !! :amitie: )

  • Le déguisement que tu décris me fait penser aussi à la flamboyance des Drag Queen, comme s’ils avaient retourné la méthode de se faire remarquer par leur costume et leur maquillage.

    • Oui c’est vrai qu’on pourrait quasiment en faire un “inverse”, et j’use le mot à dessein. Vraiment comme en mathématique, ce n’est pas un “opposé” (le négatif), mais bien un “inversé” (1/x), l’autre côté du miroir… Un cynique narquois irait jusqu’à *inverti*, et je suis sûr que ça te plaît aussi. :huhu:

  • la transphobie qui me choque le plus, c’est celle qui vient de certains gays. Je l’ai vécue l’an passée, ça m’a bousillé. La transidentité est une chose très spéciale, on ne peut pas demander à ce que tout le monde l’accepte et la comprenne, mais il y a aujourd’hui de plus en plus de jeunes qui acceptent l’idée d’etre non binaires. Mon homme est psy pour enfants et il a souvent des patients à l’age de la puberté qui viennent le voir pour cause de transidentité. Parfois, je suis tenté de faire partie d’une asso trans, mais j’ai peur de me heurter encore une fois à un rejet que je ne peux plus supporter. Alors je la vie dans mon coin. La solitude semble le lot des trans. Mais bon, il y a quand meme des avancées, récemment mon mari et moi avons été voir un psy pour couple gays où j’ai pu exposer mon ressenti vis à vis de ma transidentité, le regard des autres est très difficile à vivre et ça déteint sur la vie privée

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