MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Illustration du génial Joan Cornellà avec deux types qui pointent un écrit : "Every day is a new chance to fuck it up." Soit en français : "chaque jour est une nouvelle opportunité pour le foutre en l'air".

Iwak #10 – Fortune / Chance

Iwak c’est Inktober with a keyboard, donc tout le mois d’octobre : un article par jour avec un thème précis.

C’est marrant je pense tout de suite à la déesse romaine Fortuna, et surtout à la déesse grecque Tyché (je préfère les noms grecs des déités antiques). Et de fil en aiguille, cela me fait penser au célèbre poème latin, rendu en réalité vraiment célèbre par la cantate Carmina Burana de Carl Orff, rendu en réalité vraiment célèbre par les what mille reprises dans les films, séries ou la publicité depuis les années 80.

Et c’est avant tout le morceau O Fortuna que tout le monde connaît, et qui s’adresse bien à la Fortune en tant qu’élément de chance ou de destin qui conduit la vie de tous les humains. J’aime beaucoup ce texte poétique car les vers sont très brefs (comme une suite de haïkus), mais réellement forts de sens, et porteur d’un message qui transcende vraiment les époques. Et avec cette musique pompier et tonitruante en tête, le texte est d’autant plus porté avec véhémence et inexorabilité.

Fortuna Imperatrix Mundi
O Fortuna
velut luna
statu variabilis,
semper crescis
aut decrescis;
vita detestabilis
nunc obdurat
et tunc curat
ludo mentis aciem,
egestatem,
potestatem
dissolvit ut glaciem.

Sors immanis
et inanis,
rota tu volubilis,
status malus,
vana salus
semper dissolubilis,
obumbrata
et velata
michi quoque niteris;
nunc per ludum
dorsum nudum
fero tui sceleris.

Sors salutis
et virtutis
michi nunc contraria,
est affectus
et defectus
semper in angaria.
Hac in hora
sine mora
corde pulsum tangite;
quod per sortem
sternit fortem,
mecum omnes plangite!

Extrait de Carmina Burana en latin médiéval.

Et voilà la traduction en bon français de chez nous. ^^

Fortune Impératrice du Monde,
Ô fortune,
comme la lune
changeante en ses phases,
toujours tu croîs
et tu décroîs ;
vie détestable.
Tantôt la fortune oppresse,
tantôt elle avive,
par le jeu, l’acuité de l’esprit,
et la pauvreté
ou la puissance
elle les dissout comme la glace.

Sort cruel
et vain,
tu es une roue qui tourne,
une base instable,
un salut trompeur,
qui peut se briser à tout instant.
Quoique dissimulée
et voilée
tu pèses aussi sur ma tête ;
C’est cause de tes jeux criminels
qu’à présent
mon dos est nu.

La chance
et le succès
me sont maintenant contraires,
mes désirs
et mes refus
se heurtent à ta tyrannie.
À cette heure
sans délai,
touchez les cordes de vos instruments ;
car le Sort
terrasse les forts
pleurez tous avec moi !

Extrait de Carmina Burana traduit en français du latin médiéval.

En tant que stoïcien en herbe, la notion de destin est très déterministe, on est plutôt dans un truc rationnel à base d’enchaînements logiques et irrémédiables de causes et de conséquences. Et il se trouve que cela correspond assez bien à ma conception intuitive des choses, échappant donc pas mal à la notion de “chance” telle que perçue chez certains de mes contemporains. Mais là où je suis encore plus stoïcien c’est dans cette subtile dichotomie entre “ce qui dépend de nous” et “ce qui ne dépend pas de nous”. C’est à dire que ça ne sert à rien de se battre contre des moulins à vent, ni même de s’en inquiéter to a certain extent, et notamment des événements extérieurs pour lesquels aucune action n’est possible pour changer quoi que ce soit.

En revanche, il faut agir sur ce qui est actionnable, et la première des choses c’est soi-même évidemment.

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  • Quel philosophe mon cher :) Je trouve que les idées de ne pas se battre contre des moulins à vents et de travailler sur soi parce que c’est la seule chose qu’on peut contrôler sont très déprimantes et même un peu faciles, parce que 1) cela signifie que ça ne sert à rien de se battre pour faire changer les choses, même si ça nous paraît insurmontable sur le moment; et 2) on est les seuls responsables de ce qui nous arrive, alors qu’en fait parfois les gens autour de nous influencent énormément notre vie. Parfois, si un gros con nous a insulté, on ne peut PAS seulement se dire “c’est de ma faute si je me sens déprimée!” Non, parfois c’est aussi la faute de l’autre gros con, et on ne peut pas toujours blâmer la victime d’être une victime. Sur ce, je vais aller écouter le Carmina Burana, ça fait longtemps que je ne l’ai pas entendu! :bisou:

    • Tu pointes une grande partie des reproches qu’on fait aux stoïciens. :rire: :gene:
      Ce n’est pas un système parfait, mais il m’a permis de vraiment trouver écho à mes interrogations et la manière dont je fonctionnais. Alors j’imagine que c’est déjà ça. :huhuchat:

      • En anglais on dit que “you have to pick your battles.” J’aime mieux ça comme idée, que parfois effectivement ça ne sert à rien de se battre, mais parfois si, et il faut savoir bien choisir :) Se battre pour les droits des minorités par exemple, ça sert à quelque chose. Se battre contre un patron con, par contre, ça ne sert probablement à rien ou ça empire même la situation. Quant à la victimisation de la victime, c’est sûr que je ne peux pas blâmer ma mère pour m’avoir tapée dessus quand j’étais enfant à chaque connerie de ma vie que je fais. Mais si un type me viole, est-ce qu’on pourrait vraiment me dire “si t’es déprimée à cause de ça c’est de ta faute”? Ma conclusion: il faut mettre de l’eau dans son vin et du lait dans son café :D

        • J’y vois moins des questions de faute ou de culpabilité que de dépendance ou pas, possibilité d’agir dessus ou pas. Et c’est la perception de chacun qui compte. Si on veut se battre contre des moulins à vent, car on pense vraiment qu’on peut le faire, mais c’est génial, car en réalité bien sûr que c’est possible, notamment avec un groupe. Aller mieux suite à un choc ne change pas la nature du choc ou son injustice, mais ça dépend bien de soi de s’en remettre. Avec de l’aide bien sûr, mais c’est chez soi, en soir. :huhuchat:

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