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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

All of Us Strangers (Sans jamais nous connaître) de Andrew Haigh

Depuis Weekend et Looking, je suis très attentif et j’ai un a priori très positif pour les œuvres d’Andew Haigh, et donc j’étais super content d’avoir l’opportunité de découvrir ce film en avant-première à Nantes en fin d’année dernière. De savoir en plus que le premier rôle est tenu par Andrew Scott (que j’adore dans toutes ses performances) et que cette histoire flirte avec le surnaturel m’ont encore plus convaincu que ce serait ma came. Le film est basé sur un livre japonais qui a déjà été adapté une fois, mais là on est sans doute sur une inspiration un peu plus lointaine, disons que l’idée majeure a été conservée, mais contextualisée de manière très différente.

Le personnage principal Adam (Andrew Scott) habite dans un immeuble neuf, et il n’y a que très peu de locataire. Naturellement solitaire, le scénariste neurasthénique n’a pas l’air de vivre ça trop mal. Un soir, un voisin, manifestement plus jeune (joué par Paul Mescal), frappe à sa porte et vient lui faire du rentre-dedans. Adam refuse poliment ses avances, mais on le sent malgré tout intrigué et émoustillé par le petit jeune. En faisant des recherches pour un scénario, il revoit des photos de famille, et il décide de retourner sur le lieu de son enfance pour voir la maison où il a grandi. Il prend le train, et finit par arriver près d’une bâtisse. Il est accueilli par ce qui semble être ses parents (le père c’est Jamie Bell et la mère Claire Foy), mais qui ont l’air plus jeunes de lui.

Le début est donc un peu confus, mais on comprend vite que ses parents sont morts (il en ont conscience), et qu’il les rencontre donc avec une dimension fantastique très assumée. Les parents sont morts d’un accident de voiture il y a longtemps, mais ils sont très heureux de voir leur fils. Et lui en profite pour renouer avec eux, et leur raconter sa vie sans eux. Le film tourne autour de ces voyages en train jusqu’à cette maison “hors du temp”, avec une série d’échanges avec ses parents. En parallèle, le soir dans son immeuble dépeuplé, il s’affirme de plus en plus dans une relation amoureuse avec son jeune voisin.

Le film fait irrémédiablement penser à Weekend dans la forme, et l’excellence de la réalisation. On y retrouve aussi une bande-son très efficace et très présente dans la narration. Il y a ces plans rapprochés des visages qui sont absolument incroyables, et une vraie célébration de la beauté des comédiens. C’est aussi une manière de montrer la relation amoureuse et les sentiments par leurs regards magnifiés et particulièrement expressifs (mais “comme dans la vie” selon moi, et qui sont finalement assez rarement rendus dans des longs-métrages). Et il faut noter que malgré le peu de protagonistes, c’est une énorme réussite sur les comédiens et la comédienne, et la direction d ‘acteur y est aussi sans doute pour quelque chose.

Je suis déjà très fan d’Andrew Scott mais là, ça ne fait que confirmer mon entichement pour le bonhomme. Il incarne ce rôle avec un naturel et une authenticité frappante, et il a vraiment le chic pour jouer ces introvertis qui laissent en apparence peu passer les émotions. Paul Mescal est également très bon, mais c’est surtout le couple Jamie Bell et Claire Foy qui sont absolument parfaits.

C’est vraiment d’amour dont il s’agit tout le long du film, que ce soit d’abord l’amour-propre du personnage principal, mais aussi cette relation naissante avec son petit voisin, et surtout l’amour pour ses parents, et son parcours singulier avec cette mort accidentelle quand il était enfant. On comprend que c’est aussi cette rupture extraordinaire qui l’a marqué toute sa vie, et une sorte de rédemption est à la clef, à la fois dans la réalité de ses sentiments pour son voisin, que dans une réassurance sur ce que ses parents lui auraient apporté, et sur une sorte de réconciliation de toutes les “timelines“.

J’ai beaucoup aimé le film pour sa délicatesse, et son approche calme et posée de l’histoire, les plans sont lents, silencieux et parfois impressionnistes. Et la photo comme la mise en scène sont d’une telle beauté et efficacité, que le film n’est jamais chiant ou “trop long”. Et j’ai été vraiment très très touché par la relation avec les parents. Mais je crois que je me suis fait moi-même des films pendant le film. ^^

Andrew Scott est de 1976 comme moi, et le film explique qu’Adam (son personnage donc) a perdu ses parents en 1988 quand il avait douze ans. Donc on est de retour en 88, et c’est difficile de ne pas s’identifier… Cette maison avec cette déco, cette musique (New Wave bien sûr) et l’attitude des parents, je ne pouvais qu’être très attentif à tout cela, et bien évidemment j’ai laissé la résonnance venir à moi, en moi. Il est très drôle aussi d’avoir un coming-out à ses parents alors qu’on est plus âgé qu’eux, et qu’ils sont dans un contexte “1988”. La scène avec Claire Foy notamment est vraiment drôle et cruelle à la fois (elle parle évidemment du VIH…). Et le rapport avec le père est extrêmement touchant et surprenant.

Le film est clairement moins dans une dimension culte comme “Weekend” l’est pour moi aujourd’hui, mais c’est vraiment une œuvre de grande qualité, et qui a encore cette faculté d’évoquer des relations qui transcendent réellement l’orientation sexuelle. Il y a un vrai déclic universel à cette relation amoureuse, certes entre deux pédés, et celle filiale, qui touchera tout le monde, et met la sexualité plutôt au second plan (même si elle est très présente). Et puis formellement, il n’y a pas à dire mais Andrew Haigh est vraiment fortiche. Et avec en plus des super comédiens, une histoire intrigante qui flirte avec le fantastique, de la musique prenante, ça marche très très bien.

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  • De ma vie, je n’ai vu un film aussi triste. Les émotions les plus vives sont au rendez-vous, ce qui est à mettre au crédit du film mais constitue aussi quelque part sa limite, tellement on en arrive à un point de saturation qui culmine avec la scène finale. Disons que j’ai passé on moment mais heureusement que j’avais apporté un mouchoir…

    • Oui c’est clairement très intense en émotions, et si on y est sensible assez submergeant, mais je crois qu’il embrasse pleinement le mélo avec une nette dimension dramatique. C’est vraiment le jeu, la direction d’acteur, la mise en scène et même la photo qui rendent tout cela très bien ficelé et “bon”. Bref c’est du cinéma !! :sourire:

  • J’ai vu ce film ce weekend. J’en suis ressorti très partagé, trop long à mon sens, et je trouve assez convenu sur les scènes avec les parents (qui sont très touchantes, je le reconnais, mais aussi “assez banales” dans leur déroulé (c’est un peu facile de raconter à ces parents nos souffrances d’enfants, que le père n’a pas su voir, etc…).
    Mais très belles scènes entre les deux “amoureux” effectivement, avec des sourires notamment, à faire tomber.
    Et puis la fin, qui finalement explique tout le reste (je ne spoilerai pas). Et là, je dois dire qu’on bascule dans autre chose, de plus étrange et profond, et qui m’habite depuis samedi soir. Quelle relation avec nos morts? avec nos proches? comment on vit avec eux, et eux avec nous… et avec nos voisins aussi? avec qui , “sans jamais nous connaitre”, on peut/pourrait vivre des vies magnifiques, alors que on passe à côté… oui, beau film au final (malgré des longueurs je trouve)
    Je me demande comment est le livre, comment on arrive à suggérer tout ca par l’écrit. .

    • Tiens, je me permets de copier-coller la critique plutôt acerbe d’une personne que je suis sur Facebook :

      Voilà un film qui semble faire l’unanimité des critiques et du public mais qui n’a pas réussi à me toucher. Je peux tout à fait comprendre qu’il puisse faire écho à des douleurs personnelles et émouvoir ceux qui s’y projettent.
      Personnellement, à l’issue de la séance et alors que je m’attendais à être transporté, c’est une déception totale : un déroulement lent, un propos mièvre et parfois incohérent (n’est pas David Lynch qui veut) une réalisation de téléfilm, un jeu minimaliste (à l’exception de Jamie Bell, excellent en père repenti) c’est un naufrage complet et une vraie déception de n’avoir pu rentrer dedans.
      Il n’y a ni la séduction et l’erotisme d’un El Rubio (à peine un soupçon lors de la première poignée de main de Adam et Harry) ni la puissance émotionnelle d’un Great Freedom, pour rester dans des œuvres LGBT récentes qui m’ont marqué.
      Sur un thème proche (le rapport à la création artistique et une relation fantasmée) Nuovo Olimpo sur Netflix est largement plus conseillé (et les acteurs plus séduisants aussi).
      Oui les scènes avec les parents peuvent paraître touchantes mais une fois que le film révèle son twist un peu trop tôt, on y perd en intensité… Et comment ne pas évoquer ce moment gênant où Adam se retrouve à dormir entre ses parents et, se retournant vers son père, voit l’image de son amant s’y superposer dans un refoulement œdipien inversé d’une lourdeur…
      L’histoire d’amour entre Adam (bien loin du magnétisme du Moriarty de Sherlock incarné il y a dix ans par Andrew Scott) et Harry n’est finalement pas crédible tant le second est présenté comme un personnage détestable (alcoolique, drogué…) dont on ne comprend pas les démons (alors que le film s’appesantît sur le deuil d’Adam) et la fin, qui se veut ouverte, reste incompréhensible, jusqu’à ces derniers plans perdus dans un halo lumineux hors de propos.
      Plus impardonnable encore, le film explique de manière appuyée que le monde a changé positivement pour les gays (insertion sociale, mariage pour tous, GPA, progrès médicaux dans la prévention et la lutte contre le HIV…) et en montre paradoxalement l’inverse : la solitude, l’isolement, la rupture familiale, la tristesse d’une vie sans amour.
      Le film étant une mise en abîme de la vie du réalisateur et s’ouvrant sur un scénariste en panne d’inspiration (ce qui n’est absolument pas développé dans le récit) on aurait du sentir venir ce script en roue libre…
      Vraiment dommage.
      Une note : 1/5 (pour la moustache de Jamie Bell)

      Il est très dur, mais je comprends aussi les critiques et je trouve que c’est également bien justifié, après on ressent différemment les choses aussi…
      Si tu regardes un peu le bouquin d’origine et les adaptations, il a en réalité juste conservé l’idée de réussir à converser avec des proches décédés, tout le reste est original (y compris le côté “gay”).

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